MATISSE. CAHIERS D'ART, LE TOURNANT DES ANNÉES 30 (exposition)
Du 1er mars au 29 mai 2023 s’est tenue au musée de l’Orangerie à Paris l’exposition Matisse.Cahiers d’art,le tournant des années 1930, placée sous le commissariat de Cécile Debray (Musée national Picasso, Paris), en collaboration avec Matthew Affron (Philadelphia Museum of Art) et Claudine Grammont (musée Matisse de Nice). Leur ambition ? Étudier une période souvent négligée de l’œuvre d’Henri Matisse, éclipsée par le séduisant classicisme des années 1920 et l’inventivité des papiers découpés à la fin de sa vie. Pour cela, les commissaires s’étaient appuyés sur l’un des périodiques les plus importants de l’époque, Cahiers d’art, dirigé par le critique Christian Zervos, qui, tout au long de la décennie, consacra de très nombreuses pages au travail du peintre. C’était là, selon les commissaires, un moyen de contextualiser le rôle de Matisse : « La revue Cahiers d’art, rappellent-ils dans le catalogue, […] remet en lumière la démarche radicale d’avant 1914, concourt à relancer la compétition avec [Pablo] Picasso et place stratégiquement l’artiste aux côtés de Georges Braque, Joan Miró, Fernand Léger, Wassily Kandinsky, Piet Mondrian, Le Corbusier ou Marcel Duchamp. »
Vers Tahiti
Le parcours de l’exposition s’ouvrait sur la grave crise que traverse Matisse au tournant des années 1930. Âgé d’une soixantaine d’années, il est apprécié du public, des marchands et des musées pour une œuvre qui, après les scandales de la période fauve, s’est considérablement assagie. Toutefois, il ne peint presque plus : « Devant la toile, regrette-t-il, je n’ai aucune idée. » En revanche, il dessine et grave beaucoup. Était présenté, aux côtés de sages odalisques datant de 1926-1927 (Odalisque au coffret rouge, 1926, Nice, musée Matisse), Femme à la voilette (1927, New York, Museum of Modern Art), un tableau austère qui renoue avec certaines recherches cubistes abandonnées par le peintre depuis près de dix ans.
La salle suivante était consacrée au voyage qu’effectua en 1930 l’artiste aux États-Unis, à Tahiti et aux Antilles, et à ses conséquences sur son œuvre. Une grande vitrine réunissant des œuvres d’art ancien d’Océanie (dont certaines ayant appartenu à Matisse) évoquait sa fascination, comme ce fut le cas pour nombre de ses contemporains, pour ce qu’on appelait encore l’art primitif. La présence dans cette vitrine d’objets africains brouillait en revanche la compréhension du propos. Durant le voyage, Matisse travaille peu. Il faudra attendre plusieurs années pour qu’il emploie des motifs tahitiens dans deux cartons de tapisserie, Papeete-Tahiti (Fenêtre à Tahiti ou Tahiti I) (1935, Nice, musée Matisse) et Tahiti II (1936, Le Cateau-Cambrésis, musée Matisse).
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Écrit par
- Camille VIÉVILLE : docteure en histoire de l'art contemporain, historienne de l'art, auteure
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