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LANGHOFF MATTHIAS (1941- )

Des œuvres

Langhoff traite essentiellement des luttes pour le pouvoir, de la guerre, de la mort, et Shakespeare demeure son auteur de prédilection. En 1972, il faisait débuter Katharina Thalbach dans Othello. Puis il y eut Anatomie Titus Fall of Rome. EineShakespearekommentar (adaptation de Titus Andronicus par Heiner Müller), très remarqué à Bochum (1985) ; Le Roi Learà deux reprises (en néerlandais, 1979 ; en français, 1986) ; un Macbeth incompris au Théâtre national de Chaillot (1990) ; un Richard III très percutant, qu'il intitula Gloucester Time. Matériau Shakespeare (1995), fouaillant ce temps du crime qui se perpétue jusqu'à nos jours. En 2009, il donne un Hamlet-Cabaret.

C'était le montage d’Heiner Müller Fatzerfragment (Le Fragment Fatzer, d'après Brecht, 1978) que Langhoff avait mis en scène à Hambourg. C'est aussi dans la version du dramaturge qu'il réalisa ÖdipusTyrann (d'après Sophocle/Hölderlin), en allemand en Autriche (1988) et en catalan (1991) à Barcelone (la pièce sera reprise en 2013 à Metz, avec la troupe du théâtre de la jeunesse de Saratov). De Müller lui-même, il créa Herzstück (Pièce de cœur, un spectacle d'un quart d'heure à partir de quinze lignes de texte, dans trois présentations différentes entre 1981 et 1990), VerkommenesUferMedeamaterialLandschaft mit Argonauten (Rivage délabré matériau-Médée paysage avec argonautes, 1982) ; il monta sa Mission en 1989 et contribua à la traduction de Hamlet pour la mise en scène de H. Müller (1977). Une amitié de longue date liait les deux hommes, une même façon d'envisager le théâtre et la vie. Müller considérait que Langhoff était celui qui comprenait le mieux ses pièces.

Revisitant avec Karge le classique allemand Prinz Friedrich von Homburg de Heinrich von Kleist (Hambourg, 1978 ; T.N.P. de Villeurbanne, 1984), Langhoff avait réfuté la vision romantique de Vilar et de Gérard Philipe : dans un État prussien naissant, la discipline broyait l'individu et la guerre revenait au premier plan. Avec Trois Sœurs, de Tchekhov (1994), il couvrit un siècle d'histoire de la Russie, d'avant la révolution à l'U.R.S.S. puis à la Russie de Boris Eltsine et, conjointement au drame sentimental des sœurs Prozorov, s'interrogea sur le devenir d'une armée désœuvrée en temps de paix. Philoctète de Müller (1994), L'Île du salut d'après Kafka (1996) et bientôt Les Troyennes (1998) participent de son théâtre-forum sur fond de guerre et de violences, et de la volonté de produire des spectacles en écho à des événements immédiats : Koweït, Bosnie, Rwanda, Tchétchénie...

Taxé de violence et d'excès paroxystiques, Langhoff a su montrer douceur, tendresse et séduction dans sa première réalisation lyrique, Don Giovanni de Mozart (Grand Théâtre de Genève, 1991). On regrette qu'il ait renoncé à monter parallèlement – J. Rosner ayant annoncé le même double projet à Toulouse – le Dom Juan de Molière programmé à Vidy-Lausanne.

Toujours attentif à la langue, aux langues et aux dialectes, Langhoff fit traduire La Duchesse de Malfide John Webster par Claude Duneton dans un vocabulaire savoureux (1991), et Désir sous les ormes d'Eugene O'Neill par Françoise Morvan dans des tournures de terroir. Mademoiselle Julie d’August Strindberg (Genève, 1988) avait donné lieu à une exploration philologique collective avec les comédiens, et la nouvelle traduction avait suscité un jeu particulièrement roboratif. Parfois, le metteur en scène rédige lui-même un « intermède » (Philoctète), des didascalies et un commentaire sur la guerre du Golfe (Richard III). Il signe son Île du salut. Rapport 55, d'après La Colonie pénitentiaire de Kafka.

Son théâtre est politique, non idéologique. Langhoff rend caduc le comportement du spectateur suspendu aux lèvres de l'interprète[...]

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Écrit par

  • : docteur d'État ès lettres et sciences humaines, écrivain, théâtrologue

Classification

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