MANNONI MAUD (1923-1998)
Psychanalyste d'enfants
En s'intéressant, lors de son premier travail, à ce que la psychanalyse elle-même rejetait, la débilité mentale – un certain niveau culturel étant exigé pour le traitement –, elle met au jour l'importance de la place de l'enfant dans le fantasme parental (L'Enfant arriéré et sa mère, 1964). Dès lors, la cure avec un enfant ne peut se concevoir sans interroger le « discours collectif » (L'Enfant, sa « maladie » et les autres, 1967) qui est tenu, et qui tient le sujet. De là procède la suite de sa recherche : comment aborder la folie sans interroger le discours de l'institution, du corps social qui participe de la constitution du statut de fou, l'enfermant ainsi dans son symptôme ? Pour autant, il ne s'agit pas de nier la réalité de la folie, mais d'interroger son assimilation à une maladie, son objectivation moderne et les effets de ségrégation qui l'accompagne. Mettre en œuvre cette critique ne peut se faire qu'en acte, il y faut un dispositif, et la création de l'école expérimentale de Bonneuil-sur-Marne, en 1969, avec Robert Lefort, Rose-Marie et Yves Guérin, répond à cette nécessité.
De l'antipsychiatrie, n'est retenue que « l'attitude », évitant ainsi l'écueil qui consiste à désigner le mal dans le social en s'en excluant ; la psychanalyse fournit alors les repères permettant une lecture de l'expérience. En même temps, la psychanalyse, loin de définir une technique reproductible et standardisée, doit se « réinventer continuellement ». Maud Mannoni propose, pour Bonneuil, la notion d'institution éclatée (Éducation impossible, 1973), en référence au jeu du Fort-Da décrit par Freud, moment d'une symbolisation primordiale de la séparation. Une « oscillation entre un ici et un là-bas » devient possible, et l'institution apparaît comme un lieu de repli, l'essentiel de la vie se déroulant ailleurs (stages chez des artisans, séjours en province en alternance, etc.). L'implicite de l'organisation institutionnelle est ainsi interrogé pour « dévoiler la fonction occupée par un enfant auprès des autres », ce qui est du même ordre que ce qui se travaille dans la cure d'un enfant, qui implique la famille. L'expérience de Bonneuil aura un retentissement international et une grande influence sur l'évolution des institutions de soins pour les enfants.
Ce courage clinique et théorique s'accompagne d'un courage politique qui la conduit aussi bien à signer, pendant la guerre d'Algérie, le manifeste des 121 pour le droit à l'insoumission, qu'à s'engager dans les débats sur la politique de la santé mentale. En faisant œuvre de son expérience particulière de l'exclusion, elle fut conséquente avec sa passion pour l'analyse, car sa recherche touche aussi à ce point d'exclusion fondamentale qui fait limite à ce qui peut se dire, et que toute analyse met au travail.
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Écrit par
- Alain VANIER : psychanalyste, ancien psychiatre des hôpitaux, professeur à l'université de Paris-VII-Denis-Diderot
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