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BLANCHOT MAURICE (1907-2003)

Politique et communauté

En 1958, après dix ans de retrait à Èze-village, près de Nice, Blanchot revient à Paris. C'est le début de l'engagement public à l'extrême gauche, en compagnie de ceux qui deviennent, après Bataille (qui meurt en 1962) et Lévinas (qui ne partage pas ce combat), ses plus proches amis : Robert et Monique Antelme, Marguerite Duras, Louis-René des Forêts, Maurice Nadeau, Elio et Ginetta Vittorini. C'est notamment dans la complicité la plus étroite avec Dionys Mascolo, véritable initiateur de toutes ces luttes, qu'il écrit contre le « coup d'État » gaulliste en 1958, contre la guerre d'Algérie en 1960 (il est le principal rédacteur de la Déclaration sur le droit à l'insoumission dans la guerre d'Algérie, plus connue sous le nom de « Manifeste des 121 »), pour le Comité écrivains-étudiants en 1968. Avec ces mêmes amis, il consacre plusieurs années à la création d'une Revue internationale dont la rubrique centrale, intitulée « Le cours des choses », doit recueillir les fragments des auteurs de manière anonyme. Une revue communautaire où chaque pensée serait à la fois opérée et désœuvrée par la pensée voisine. L'échec de ce projet, patent en 1964, l'abat.

Après 1968, un vif désaccord sur les positions pro-palestiniennes majoritaires à l'extrême gauche, puis un nouvel et brutal accès de maladie éloignent Blanchot de la scène publique. C'est le temps de l'écriture philosophique et fragmentaire. Au Pas au-delà (1973) et à L'Écriture du désastre (1980) succèdent La Communauté inavouable (1983) et divers opuscules sur des écritures et des pensées amies : Celan, Foucault, des Forêts, Mascolo. Poussée à ses limites, l'exigence fragmentaire écarte tout effet de langage de sa propre reconnaissance. Elle consacre l'abandon de toute posture centrale autoritaire. Elle confie l'écriture à un mouvement qui en soi prédispose au tout autre ; elle confie le savoir au non-savoir ; elle confie la pensée au tremblement qui l'impose avec peine comme lieu de garde de l'événement absolu de l'Histoire : la Shoah. C'est la pensée du désastre. « Penser, ce serait nommer (appeler) le désastre comme arrière-pensée ».

C'est donc encore la possibilité même de la pensée, aujourd'hui, que Blanchot entreprend d'énoncer. Sans nihilisme, en toute conscience, ce qu'il avait déjà écrit en 1962 dans une lettre à Georges Bataille : « C'est sur un fond „absolu“ de manque d'espoir que je suis prêt à maintenir toutes les affirmations de vérité et d'avenir humains ».

— Christophe BIDENT

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Écrit par

  • : maître de conférences à l'université de Paris-VII-Denis-Diderot

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