ESCHER MAURICE CORNELIS (1898-1972)
Le Néerlandais Maurits Cornelis Escher apprend la gravure à Haarlem, chez un maître réputé. Mais très tôt, il est attiré par l'Italie, où il séjourne longuement : il habitera Rome de 1925 à 1935. Sa première exposition a d'ailleurs lieu à Sienne, en 1923. Il devient rapidement un bon technicien de la gravure sur bois — procédé alors très en vogue, en particulier dans l'illustration des textes littéraires. Ses paysages et ses allégories témoignent d'une rigueur et même d'une rigidité qui les rapprochent de l'art héraldique. Les sujets sont comme isolés, enfermés dans des contours extrêmement précis. La fascination qu'exercent sur lui les mosaïques et carrelages de l'Alhambra de Grenade mettra fin à ces compositions hiératiques et, à partir de 1936, Escher réalise ce que lui-même appelle des « remplissages »... qui feront son succès.
Symétrie, répétition, transformation, passage d'une forme à une autre, telles sont les préoccupations sous-jacentes à des œuvres qui exercent une grande fascination parce qu'elles combinent tous les moyens connus de mise en relation des objets dans l'espace selon des rapports inédits. « La notion de relations entre la surface et l'espace est pour moi source d'émotions, et l'émotion engendre une très forte impulsion — ou tout au moins un stimulant — à créer une image. »
Il n'y a apparemment pas de rapport entre les images isolées, hiératiques, que Escher a toujours produites, et ces trames de transformations où, comme prises au piège, des figures souvent animales se métamorphosent sous nos yeux. Cette relation entre les deux aspects de l'activité graphique d'Escher existe pourtant ; elle est de l'ordre de la complémentarité. Face à ces images qu'il tend à isoler dans leurs différences, l'artiste est tenté de jouer de cette différence pour provoquer des similitudes. Ainsi, il met en présence deux formes qui représentent des milieux aussi différents que l'eau et l'air, et grâce à un jeu de pleins (les formes définies) et de vides (l'espace entre les formes), il transforme ces pleins en vides et inversement. Ainsi l'espace entre les oiseaux régulièrement répartis sur la page deviendra-t-il peu à peu poissons par un travail subtil sur les tonalités.
Escher utilise aussi d'autres procédés de fascination : il combine des vues en perspective qui s'opposent toutes les unes aux autres par leur orientation, créant ainsi un point de vue nouveau. Ici l'accumulation ou l'imbrication des contradictions devient complémentarité et, de ce fait, le spectateur se trouve placé dans un autre espace, indéfinissable, celui-là. Escher joue également sur les déformations engendrées par des miroirs sphériques.
Les œuvres d'Escher ont d'abord intéressé des scientifiques, notamment les cristallographes, qui s'attachent aux problèmes de symétrie, de répétition. Ce n'est qu'à partir de 1951 que ses « remplissages » font l'objet d'articles dans la revue d'art The Studio et dans les magazines américains Time et Life. L'ensemble de son travail, enfin reconnu, est exposé au Stedelijk Museum d'Amsterdam en 1954. Et en 1961, Ernst H. Gombrich, le célèbre historien d'art que passionnent les problèmes d'optique en peinture, lui consacre un article dans le Saturday Evening Post.
L'ouvrage de Bruno Ernst, Le Miroir magique de M. C. Escher (Le Chêne, Paris, 1976) et celui qui est réalisé sous la direction de J. C. Locher (Le Chêne-Hachette, 1981) font le point sur une œuvre où technique et philosophie sont en relation de contiguïté.
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Écrit par
- Marc THIVOLET : écrivain
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