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DENIS MAURICE (1870-1943)

Une ambition classique et monumentale

Un premier séjour à Rome en 1898 conduit Maurice Denis à un tournant majeur dans sa vie comme dans son œuvre. Il découvre ce qu'il nomme la « méthode classique » qu'il comprend comme « une morale en même temps qu'une psychologie ». Plus qu'à Michel-Ange dont il critique la manière torturée dans les fresques de la chapelle Sixtine, il s'attache à Raphaël, qui « a dû plus qu'aucun autre se tenir en garde contre lui-même pour tenter l'aventure d'une beauté plus consciente, plus délibérée ». Les compositions de 1898-1900 – Le Monotone Verger (1898, Rijksmuseum Kröller-Müller, Otterlo), Virginal Printemps (1899, collection particulière) – portent la marque de ce renouveau classicisant qu'on lui a plus tard reproché mais qui caractérise son apport singulier à l'« art nouveau ».

Au tournant du siècle, l'Hommage à Cézanne (1900, musée d'Orsay) marque à la fois l'adieu définitif aux nabis, rassemblés presque tous sur cette toile dans la boutique du marchand de tableaux Ambroise Vollard, et la reconnaissance de l'importance majeure pour l'avenir de la voie plastique choisie par Cézanne, dont une nature morte forme le cœur de la composition. Maurice Denis invente ainsi son propre classicisme auquel il restera par la suite fidèle tout au long de sa vie, reprenant par exemple à six reprises, de 1898 à 1934, le motif de la vasque de la Villa Médicis à Rome, peint jadis par Corot, en variant le cadrage, la gamme colorée, ou la géométrisation des formes.

Mais malgré leur nombre et la force de leur composition, les tableaux de chevalet sont moins importants pour Maurice Denis que son ambition de redonner à la peinture sa place dans l'architecture grâce à des panneaux et à des fresques alliant le charme du décoratif à la grandeur du monumental. « La raison d'être de la peinture dans l'édifice, écrit-il, est [...] d'illuminer les murs, puis de rendre sensible au public le sens spirituel du monument [...]. En sorte que le retour à la fonction monumentale est en même temps le retour à la Nature et au Sujet. » Dès 1890, il crée un vitrail, Le Chemin de la vie (1895, musée départemental du Prieuré, Saint-Germain-en-Laye) et un ensemble en sept parties la Légende de saint Hubert (1897, collection particulière) pour la décoration de l'hôtel particulier du baron Denys Cochin à Paris. En 1910, les 370 mètres carrés de la coupole du théâtre des Champs-Élysées à Paris lui permettent, en accord avec l'architecte Auguste Perret, d'orchestrer une « synthèse de l'histoire de la musique », depuis Orphée et Apollon jusqu'aux temps modernes. Ni les panneaux de l'Histoire de l'art français (1924, Petit Palais, Paris) ni ceux de la Musique sacrée et de la Musique profane (1937, palais de Chaillot, Paris) n'atteindront la plénitude colorée de cet ensemble qui est la véritable clé de voûte de cet édifice capital à la fois moderne dans son matériau, le béton, et classique dans sa rigueur et son élégance formelle.

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Écrit par

  • : professeur d'histoire et de théorie de l'art contemporain, université de Paris VIII

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