Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

DRUON MAURICE (1918-2009)

Maurice Druon voyait dans la guerre, les arts et le gouvernement, « trois métiers du risque » ; il les a exercés comme officier de cavalerie, écrivain, ministre avant de devenir le secrétaire perpétuel de l'Académie française, paladin d'une francophonie ouverte.

Fils d'une actrice divorcée et de Lazare Kessel, un comédien russe qui se suicida à vingt et un ans, Maurice Druon naquit à Paris, le 23 avril 1918. Reconnu par un fils de notaire qui épousa sa mère et élevait des volailles à Clamart, ce lauréat du concours général des lycées (1936) étudia à la Sorbonne puis à Sciences Po. Cavalier aspirant à l'École de Saumur, il fit des cadets de 1940 les héros de son premier roman (La Dernière Brigade, 1946). Sa première pièce, Mégarée, fut jouée à Monte-Carlo peu avant l'invasion de la zone sud qui le poussa à rejoindre Londres.

Le 25 mars 1943, sur les ondes de la BBC, celui que Claude Serreulles décrit comme un « Éliacin aux boucles blondes » annonce une France qui éclatera dans les mains allemandes à la Libération, « comme une bombe ». Il devient l'une des voix d’Honneur et Patrie, poste de la Résistance française. L'indicatif musical de cette radio pseudo-clandestine, œuvre d'Anna Marly, va être le support des paroles qu'il imagine avec son oncle Joseph Kessel : « Sifflez compagnons, dans la nuit, la liberté nous écoute » ; ce dernier vers libre et les quinze qui le précèdent sont publiés dans Les Cahiers de Libération. Lu deux fois au micro de la BBC en février 1944, le texte Les Partisans, Chant de la Libération est diffusé avec son accompagnement de guitare en avril, puis le 19 août 1944 ; sa durable renommée va en faire, selon Emmanuel d'Astier de la Vigerie, « la Marseillaise de la Résistance ».

Après avoir été correspondant de guerre, Druon conquiert sa célébrité de romancier avec Les Grandes Familles, prix Goncourt 1948, premier tome de La Fin des hommes, que suiventLa Chute des corps et Rendez-Vous aux enfers. À partir de 1955, il publie un conte pour enfants, deux pièces, des nouvelles et des essais. Grâce à ses « nègres » littéraires, il va donner les six volumes des Rois maudits en cinq ans (1955-1960) ; un septième tome les complète en 1977. Tous ont la faveur d'un vaste public et leurs adaptations rassembleront des millions de téléspectateurs (38 p. 100 de part d'audience en 1972-1973 et 33 p. 100 en 2005).

Dénonciateur des sociétés bourgeoises professant que « la frustration est la justice et la plénitude un péché », Maurice Druon fut pourtant révulsé par le mouvement de Mai-68. Son gaullisme réactionnaire séduisit Georges Pompidou qui le nomma ministre des Affaires culturelles en avril 1973 ; il retrouva alors les sentiments de son imaginaire Simon Lachaume devenu ministre : « Il s'enviait lui-même et n'avait donc que des raisons d'être heureux. » Le 6 mai, la diffusion par l'AFP de ses déclarations, relues à l'Élysée, surprit par une phrase : « Les gens qui viennent à la porte de ce ministère avec une sébile dans une main et un cocktail Molotov dans l'autre devront choisir. » Si, le 13, six mille personnes manifestèrent pour la liberté d'expression, le ministre soutint que « dans le domaine culturel aussi, c'est au suffrage populaire qu'il appartient de décider ». Rien n'étant changé dans l'attribution des subventions, le directeur du Théâtre et des Spectacles en conclut qu'il fit « plus de bruit que de mal ».

Quand Alain Peyrefitte le remplaça, le 4 mars 1974, une lettre privée de son directeur de cabinet le décrivit : « Maladroit mais profondément courageux, Druon n'est ni conforme à ce qu'il a montré à ses débuts, ni ressemblant à l'image qu'il a donnée de lui dans l'opinion ; il faut aller au-delà des apparences pour comprendre le pari perdu[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : docteur en études politiques et en histoire, ancien délégué-adjoint aux célébrations nationales (ministère de la Culture et de la Communication)

Classification

Autres références

  • LES PARTISANS (D. Bona) - Fiche de lecture

    • Écrit par
    • 1 076 mots
    • 1 média

    Biographe émérite et huitième femme élue à l’Académie française, Dominique Bona a redécouvert, pendant le confinement lié à la pandémie de Covid-19, les mémoires du trente et unième secrétaire perpétuel de l’institution, Maurice Druon, et sa proximité avec un autre académicien,...