ESTÈVE MAURICE (1904-2001)
Né le 2 mai 1904 à Culan (Cher), Maurice Estève était l'un des derniers peintres de la génération qui constitua, dans l'immédiat après-guerre, la Nouvelle École de Paris dont il fut d'ailleurs l'un des principaux représentants.
Élevé à la campagne par ses grands-parents, il rejoint son père, cordonnier, et sa mère, modiste, à Paris en 1913 avant de retourner vivre dans le Berry pendant la guerre. Son séjour d'une année dans la capitale lui ouvre les yeux sur la peinture après la visite du musée du Louvre où les œuvres de Courbet, Delacroix, Ingres – et surtout la Bataille de San Romano de Paolo Uccello – l'impressionnent fortement. Dès lors, tout en poursuivant sa scolarité, il se met à peindre, encouragé par sa mère.
De retour à Paris en 1918, il s'inscrit à des cours de dessin qu'il suit le soir après son apprentissage, voulu par son père, dans une fabrique de meubles. Ses premières œuvres, classiques, confirment son aisance qui se renforce au contact de l'art roman de Catalogne qu'il découvre à l'occasion d'un séjour d'un an dans un atelier à Barcelone comme dessinateur de tissus. Rentré à Paris, en 1924, il fréquente l'atelier libre de l'Académie Colarossi à Montparnasse, en même temps qu'il continue à se former seul, à l'école des peintres qu'il admire, ceux qu'il nomme les primitifs, Poussin, Fouquet et celui qu'il place au premier rang, Cézanne. Pendant plusieurs années, il peint des paysages, des natures mortes et des portraits. Tenté par le surréalisme il s'en libère après avoir assimilé, comme d'autres peintres de sa génération, la leçon de Léger. Lors de sa première exposition personnelle en 1930 à la galerie Yvangot à Paris, remarquée par le critique Maurice Raynal, il montre ses toiles, Couple, Joueuse de diabolo..., qui sont une interprétation sensible du cubisme associant l'arabesque du trait au pouvoir constructif de la couleur. Mais le succès ne venant pas, il songe à se tourner vers le cinéma et la mise en scène. Lors de l'Exposition internationale de 1937, il collabore à la décoration des pavillons de l'Air et des Chemins de fer confiés à Robert et à Sonia Delaunay. Membre du groupe des Jeunes Peintres de tradition française, ses œuvres des années 1940-1942, parmi lesquelles l'Hommage à Cézanne ou Jeune Fille au pichet, répondent à son désir d'analyser la réalité en s'appuyant sur un espace construit et structuré, en faisant jouer à la couleur un rôle déterminant, influencé en cela par la palette lumineuse de Bonnard. Mais le basculement vers la non-figuration est déjà perceptible dans plusieurs de ses toiles, tel l'Aquarium peint en 1944. Le lien formel avec le réel dont témoigne encore la série des Métiers (1947-1949) s'estompe progressivement pour satisfaire à un besoin d'ordre proprement pictural dans plusieurs tableaux dont l'Hommage à Fouquet (1952). Dès lors, toute référence au monde extérieur est abandonnée dans un parfait équilibre des formes et des couleurs, la physionomie de l'œuvre, identifiable entre toutes, se met alors en place. Avec les années, la rigueur de la composition et la robustesse des formes s'accompagnent d'effets de nuances de plus en plus subtils, en particulier grâce à l'aquarelle ; les tons fondamentaux – rouges saturés, orangés dilués, verts et bleus purs – posés en aplats venant contrebalancer les blancs et les noirs. Ce sont d'ailleurs ces mêmes qualités de coloriste, l'un des plus marquants du xxe siècle, dont tirent parti ses collages, ses dessins au fusain rehaussés au crayon, ses lithographies, les vitraux ou les tapisseries d'une pureté absolue issus de cartons préparatoires ou encore une cheminée industrielle qu'il décore en 1988 à Bourges-Nord.[...]
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Écrit par
- Philippe BOUCHET : historien de l'art
Classification
Autres références
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ESPACE, architecture et esthétique
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