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GREVISSE MAURICE (1895-1980)

Aucun grammairien depuis Vaugelas n'a été aussi représentatif que Maurice Grevisse du souci français d'un « bon usage » de la langue, et aucun n'a connu une telle notoriété. Rien de commun cependant entre les deux hommes, sinon le goût du beau langage et du travail bien fait. Vaugelas est parisien, noble, familier de Richelieu et de la Cour. Maurice Grevisse, fils d'un forgeron et d'une couturière de village, est né à Rulles, en pays gaumois, dans cette petite fraction lorraine-luxembourgeoise de la Wallonie que les Ardennes coupent du reste de la Belgique.

Autodidacte, il sort instituteur en très bon rang de l'école normale de Malonne (Belgique) et se lance aussitôt dans l'apprentissage tardif et accéléré du grec et du latin, pour pouvoir s'inscrire à l'université de Liège, en philosophie et lettres, tout en assurant un enseignement complet dans une école de « pupilles », et plus tard à l'École royale des cadets (militaires) de Namur. Ce fut, disent de nombreux témoignages, un professeur de rédaction exceptionnel, admiré et redouté pour sa rigueur et sa quasi-infaillibilité en matière de syntaxe et d'orthographe. Cependant, aucune des grammaires du français alors en usage ne lui donnant satisfaction, il entreprend vers 1930, à partir de fiches de lecture patiemment accumulées, la rédaction d'un manuel qui, plutôt que d'énoncer sans explication des règles, ou des pseudorègles illustrées après coup par des exemples artificiels, partirait de nombreuses citations d'auteurs, classiques et contemporains, pour en déduire les constantes de l'usage ; quitte à montrer que, sur de nombreux points, l'usage des bons auteurs n'est pas unanime.

L'importance matérielle du volume proposé aux éditeurs, et son titre d'une modestie nouvelle, Le Bon Usage, faillirent cependant faire échouer l'entreprise. Seul un petit imprimeur de la région de Namur, où enseignait alors l'auteur, prit le risque de publier l'ouvrage (1936). Celui-ci, après l'échec tragicomique de la Grammaire de l'Académie (1932), venait à son heure. Son audience scolaire et, ce qui était nouveau, auprès d'un public adulte grandit assez vite en Belgique puis en France pour justifier des éditions successives, sans cesse augmentées.

Avec plus de quinze cents pages extrêmement denses, vingt-cinq mille citations et un Index qui renvoie à plus de trois mille explications, la onzième édition parue en avril 1980, peu avant la mort à Bruxelles de Maurice Grévisse, est en fait très peu différente des précédentes, sinon en quantité. La conception, le plan d'ensemble, et même la distribution en paragraphes de l'ouvrage ont en effet peu varié depuis l'origine. Comme le dit son titre, Le Bon Usage n'est pas une grammaire au sens où l'entendent les linguistes, mais un recueil pratique des difficultés d'orthographe, d'accord, ou d'emploi des modes et des temps du verbe, en même temps qu'un constat minutieux de la façon dont les écrivains ont (ou n'ont pas) résolu pour leur compte ces difficultés. Dans ce cadre, les considérations générales sur le fonctionnement de la langue (parlée comme écrite) seraient plutôt déroutantes qu'utiles.

Maurice Grevisse estimait avec raison qu'il était impossible de faire en même temps la théorie et la pratique d'un ensemble aussi complexe que la grammaire du français. Il s'en tenait avec modestie à la part méticuleuse et fastidieuse de cette grammaire. L'immense succès commercial du Bon Usage l'avait laissé d'une simplicité et d'une discrétion inaltérables.

On doit également à Maurice Grevisse cinq volumes de Problèmes de langage du français d'aujourd'hui, billets ou chroniques parus de 1950 à 1965 dans des journaux belges, et un grand nombre de petits guides[...]

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