JARRE MAURICE (1924-2009)
Avec Georges Delerue, Maurice Jarre est le plus important compositeur français de musiques de films de la seconde moitié du xxe siècle, mais aussi un des plus controversés : ses partitions flamboyantes pour Hollywood lui vaudront la notoriété auprès du grand public en même temps que le rejet de la part d'une critique rigoriste.
Une vocation tardive
Maurice Alexis Jarre naît à Lyon le 13 septembre 1924. Il envisage d'abord une carrière d'ingénieur et ce n'est qu'à l'âge de seize ans qu'il découvre véritablement la musique, lorsque son père, qui travaille à la Radio de Lyon, amène quelques disques à la maison. « J'en ai passé un, il s'agissait de la Deuxième Rhapsodie hongroise de Liszt, arrangée et enregistrée par Leopold Stokowski. Je venais de découvrir quelque chose qui allait bouleverser ma vie : le son. » Conscient que sa vocation est tardive, il travaille de manière acharnée et choisit d'apprendre les percussions car « il était déjà trop tard pour devenir violoniste ou clarinettiste ». Il intègre en 1943 le Conservatoire national supérieur de Paris, où il étudie les percussions avec Félix Passerone – dont un des élèves a été Pierre Henry–, l'orchestration avec Louis Aubert et la composition avec Arthur Honegger, qui l'initie à la musique de film.
Devenu un excellent percussionniste, Maurice Jarre est engagé par la Compagnie Renaud-Barrault, où il se lie d'amitié avec Georges Delerue et Pierre Boulez : Maurice Jarre y joue de toutes les percussions – des timbales au xylophone –, Pierre Boulez est au piano ou aux ondes Martenot. En 1951, Jean Vilar invite le jeune compositeur à écrire, pour le festival d'Avignon, la musique de scène de la pièce de Heinrich von Kleist Le Prince de Hombourg, où triomphe Gérard Philipe. En août 1951, Vilar est nommé directeur du Théâtre national populaire (T.N.P.) ; il demande immédiatement à Maurice Jarre d'en devenir le directeur musical et le chef d'orchestre. Jarre, qui conservera cette fonction jusqu'à la fin du mandat de Vilar, en 1963, va composer les musiques de scène de plus de soixante-dix pièces différentes, de Shakespeare, Brecht, von Kleist, Musset, Marivaux, Pirandello, Cocteau, Camus... Disposant d'un orchestre de trente musiciens, il dirige lui-même ses propres compositions. C'est à lui que l'on doit les célèbres sonneries du T.N.P.
Parallèlement à la musique de scène, Maurice Jarre commence en 1952 à composer pour l'image : il écrit une musique pour un court-métrage de Georges Franju, Hôtel des Invalides, qui connaît une certaine notoriété. Jarre va rapidement se consacrer quasi exclusivement à la musique de film, composant pour Franju (Le Théâtre national populaire, 1956 ; La Tête contre les murs, 1958 ; Les Yeux sans visage, 1960 ; Pleins feux sur l'assassin, 1961 ; Thérèse Desqueyroux, 1962 ; Judex, 1963), Alain Resnais (Toute la mémoire du monde, 1956), Jacques Demy (Le Bel Indifférent, 1958), Jean-Pierre Mocky (Les Dragueurs, 1958), Jean-Paul Rappeneau (Chronique provinciale, 1958), Henri Verneuil (Le Président, 1961)... La musique du documentaire d'Alain Resnais Toute la mémoire du monde repose essentiellement sur la répétition, sur un long ostinato qui n'enjolive à aucun moment le propos du film. L'étrangeté que secrète cet ostinato confère au film un caractère volontairement non réaliste, ce qui peut paraître paradoxal pour un documentaire. Mais il ne faut pas oublier que la Bibliothèque nationale, sujet du film, est un lieu de mémoire. Et c'est là que se situe le remarquable travail de Resnais et de Jarre : amener le spectateur à éprouver la sensation d'être hors de l'espace et hors du temps.
En 1962, Maurice Jarre signe la musique du film Cybèle, ou les Dimanches de Ville-d'Avray de Serge Bourguignon.[...]
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Écrit par
- Juliette GARRIGUES : musicologue, analyste, cheffe de chœur diplômée du Conservatoire national supérieur de musique de Paris, chargée de cours à Columbia University, New York (États-Unis)
Classification
Média