OHANA MAURICE (1914-1992)
C'est une place à part dans la musique française qu'occupe Maurice Ohana, celle d'un indépendant qui a patiemment acquis ses lettres de noblesse après avoir suivi un parcours discret en marge des milieux officiels.
Il naît à Casablanca, le 12 juin 1914, d'un père originaire de Gibraltar et d'une mère andalouse. Il aborde le piano à Bayonne puis vient à Paris en 1933 pour y étudier l'architecture. Il travaille le piano avec Lazare-Lévy et l'harmonie et le contrepoint avec Daniel-Lesur à la Schola cantorum (1937-1940). Il commence une carrière de pianiste, interrompue par la guerre, pendant laquelle il porte l'uniforme britannique. Un séjour à Rome, en 1944, lui permet de se perfectionner avec Alfredo Casella à l'Accademia di Santa Cecilia. Il commence a composer pour son instrument (Trois Caprices, Sonatine monodique). En 1947, de retour à Paris, il est l'un des fondateurs du groupe Zodiaque, qui cherche à réagir contre la tutelle esthétique des différents systèmes en vogue pour privilégier une libre expression, démarche qui vise autant le postsérialisme que le néo-classicisme. Il conservera cette forme d'engagement tout au long de sa vie. Sa musique est d'abord profondément enracinée dans la tradition andalouse et nord-africaine : Llanto por Ignacio Sànchez Mejias, sur un poème de Federico Garcia Lorca (1950), Cantigas pour soli, chœur et instruments, sur un texte de poésie médiévale espagnole (1953-1954), les Trois Graphiques pour guitare et orchestre (1950-1957) ou Tiento pour guitare (1955), que jouera Narciso Yepes. Puis elle s'élargit aux moyens d'expression les plus actuels : la percussion, avec les Études chorégraphiques (1955, créées seulement en 1963 par les Percussions de Strasbourg) et Silenciaire (1969) ; les micro-intervalles, grâce auxquels il reconstitue les inflexions mélodiques du cante flamenco et dont il systématise l'emploi dans Le Tombeau de Claude Debussy pour soprano, cithare, piano et orchestre (1962) ; la voix humaine, dont il explore les ressources, du chant parlé aux onomatopées ; l'électroacoustique. Il fait tomber les obstacles de la barre de mesure, bouleverse la gamme diatonique, fait éclater les mots qu'il met en musique et opère un véritable retour aux sources d'expression primitives (Grèce antique ou préchristianisme). La scène lui offre une nouvelle dimension pour concrétiser ses recherches : Syllabaire pour Phèdre, opéra de chambre (1967, et Autodafé, cantate scénique créée à l'Opéra de Lyon (1971-1972) ; le sens du sacré s'exprime avec vigueur dans L'Office des oracles (1974) et la Messe (1977) , puis vient l'expérience du théâtre musical, avec les Trois Contes de l'honorable fleur, inspirés du nō japonais (1978). Parallèlement, il enrichit son catalogue de quelques œuvres instrumentales marquantes : les Vingt-Quatre Préludes pour piano (1973), qu'Antoine Goléa considère comme un « acte d'opposition et de réparation », L'Anneau du Tamarit, pour violoncelle et orchestre (1976), d'après Garcia Lorca, Le Livre des prodiges, pour orchestre (1979), les quatuors à cordes no 2 (1980) et no 3 (1990), le Concerto pour piano (1981), le Concerto pour violoncelle no 2 (1989). Entre 1982 et 1986, il travaille à un opéra d'après la pièce de Rojas, La Célestine, qui est donné au palais Garnier en 1988. Sa dernière œuvre, Avoaha, d'après un rituel afro-cubain, est créée en 1992 pour les jeux Olympiques d'Albertville. Il meurt à Paris le 13 novembre 1992.
S'il se situe en marge de tout courant esthétique, son langage est essentiellement poétique et raffiné ; il rayonne d'une lumière venue de la Méditerranée et se pose en continuateur de Manuel de Falla et de Claude Debussy, réfutant d'un seul bloc l'héritage germanique, de Wagner et Brahms au[...]
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Écrit par
- Alain PÂRIS : chef d'orchestre, musicologue, producteur à Radio-France
Classification
Autres références
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ESPAGNE (Arts et culture) - La musique
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- 5 573 mots
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