ROCHE MAURICE (1925-1997)
Né à Clermont-Ferrand, Maurice Roche fait des études musicales et de médecine. En 1946 — à la mort de son père —, il entre dans un quotidien parisien où il sera, pendant plus de quinze ans, journaliste-reporter. Avant de commencer d'écrire, il compose plusieurs musiques pour la scène (Les Épiphanies de Pichette) et des œuvres instrumentales (Stabile, Ruines circulaires). Le premier livre qu'il fait paraître — en 1961 — est un essai sur Monteverdi. La musique se retrouve dans ses romans, essentiellement sous forme d'écritures, de graphismes, mais Maurice Roche distingue nettement la composition musicale et la littérature, même si toutes les deux, écrit-il, « restent toujours à déchiffrer ».
Son œuvre se déploie autour de grands thèmes (l'amour, la maladie, la souffrance, la mort, l'écriture) qu'il aborde avec un humour caustique, non dénué d'un certain lyrisme, qui se joue des mots eux-mêmes. Dès son premier roman, Compact (1966 et 1997 dans sa version définitive), Maurice Roche attache une importance essentielle à l'organisation typographique — à la lecture spatiale — de ses textes. Il n'inclut pas encore dans le récit, comme il le fera plus tard, des dessins ou des partitions musicales, mais Compact propose déjà une multiplicité de caractères, d'écritures typographiques qui brisent l'unité visuelle du livre et obligent le lecteur à le voir, à l'entendre, et non plus seulement à l'absorber dans son espace mental. Le livre ne rejoint pas l'intimité du lecteur, il lui reste extérieur. Dans Circus (1972), le texte est pulvérisé, multiplié, mais les éléments sont condensés en un seul et même discours. Codex (1974) est le livre de la maladie, des douleurs du corps, la somme des thérapeutiques : recettes « médica-menteuses », écrit Maurice Roche. Opéra bouffe (1975) appartient au genre comique et satirique, et se veut — selon l'auteur — un intermède entre les livres précédents, qui forment une sorte de triptyque, et les suivants. Mémoire (1976) dessine une autobiographie : la ville natale, l'enfance, la mort du père, le travail, l'expérience de la maladie et de l'hôpital. Dans ce livre, Maurice Roche utilise, outre la technique du roman épistolaire, celle du montage cinématographique. En effet, la relation des souvenirs est sans cesse entrecoupée d'événements survenus durant la rédaction du roman. Avec Macabré (1979), la mort est à nouveau au cœur du livre et en détermine, sous forme de planches dessinées par l'auteur, la structure même. Maladie mélodie (1980) et Camar(a)de (1981) composent un diptyque ; dans Maladie mélodie, la musique est sous-jacente au récit ; dans Camar(a)de, c'est la peinture qui entre en jeu — et en conflit — avec l'écriture. Je ne vais pas bien, mais il faut que j'y aille (1987) est un « roman par nouvelles », suite de récits se prolongeant les uns dans les autres — à la façon d'un rhizome — et où viennent s'inscrire ébauches de contes, fables, fragments, lambeaux de souvenirs, paraboles plus ou moins tronquées.
En mettant en jeu — aux deux sens du terme — l'écriture dans chacune ou presque de leurs phrases, les romans de Maurice Roche déconstruisent le réel, le déplacent, et offrent une lecture du monde tragi-comique, à la fois joyeuse et terriblement lucide.
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Écrit par
- François POIRIÉ : écrivain, critique littéraire à France-Culture
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