Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

SACHS MAURICE (1906-? 1944)

Crapule misérable ou archange maléfique, Maurice Sachs laisse sur une époque troublée un témoignage irremplaçable. Les étapes de son itinéraire singulier, on les suit à travers des œuvres autobiographiques, inégales mais qui ne laissent jamais d'étonner : Alias (1935), Le Sabbat (1946), La Chasse à courre (1948), ou encore une correspondance partiellement accessible. Suivre sa vie, c'est aller de surprise en indignation et passer sans répit du cocasse à l'horrible. Traître et escroc, il est l'homme de toutes les contradictions : amoureux des deux sexes, vrai juif et (faux ?) chrétien, jouisseur et mystique, il peut à la fois écrire un livre sur Maurice Thorez et se compromettre quelques années plus tard avec les milieux troubles de la collaboration. Dans sa jeunesse, il a fréquenté Cocteau et le tout-Paris, Gide et Max Jacob, également Violette Leduc. Le couple Maritain l'amène à la conversion catholique, puis au séminaire, qu'il quitte bientôt. Marié aux États-Unis, il revient en Europe avec un ami homosexuel et abandonne aux quakers l'orphelin qu'il avait adopté. Il fait du marché noir pendant la guerre ; engagé dans le S.T.O., il dénonce les antinazis sur les chantiers de Hambourg. À son tour suspecté, il est emprisonné à partir de 1943 (Derrière cinq barreaux, 1952), et vraisemblablement abattu par les SS au moment de l'avancée des armées alliées.

Sachs s'est essayé à plusieurs genres littéraires et son drame intime fut sans doute de ne jamais parvenir au chef-d'œuvre. John Cooper d'Albany (1955), roman largement autobiographique, épouse la veine picaresque. Le Tableau des mœurs de ce temps (1954) aligne une galerie de portraits significatifs de l'époque. Sachs est avant tout un pervers. Obsédé par le sentiment obscur de la faute, il commet le crime pour s'assurer de l'ignominie qu'il sent en lui : il peut alors se complaire dans le dégoût de soi et d'autrui. Le style joue d'ailleurs sur toute la palette de la mauvaise foi : ainsi Le Sabbat met en scène la confession de sa malhonnêteté, tandis que La Chasse à courre, par exemple, est traversé par le cynisme le plus allègre au point d'en être tonifiant !

— Michel P. SCHMITT

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification