SCHUMANN MAURICE (1911-1998)
« Si vous vous taisiez subitement, l'ennemi pourrait en tirer une indication. »
La voix de Maurice Schumann ne s'est éteinte que le 9 février 1998, près de cinquante-quatre ans après que le colonel américain Drexel-Biddle lui eut donné témoignage du rôle qu'exerçait, en mai 1944, le porte-parole de la France libre. De Londres, entre juillet 1940 et juin 1944, cette voix du couvre-feu avait incarné les espoirs de la Résistance par plus de mille allocutions radiophoniques.
Journaliste puis homme politique démocrate-chrétien et gaulliste, Maurice Schumann se présentait, dans ses dernières années, comme écrivain, professeur, sénateur, membre de l'Académie française. Mais son destin s'est joué à Londres quand il a rejoint le général de Gaulle avec une conviction : « Nous ne sommes pas l'arrière-garde d'une armée qui s'en va, mais l'avant-garde d'une armée qui reviendra. »
Son message porta, selon lui, parce qu'il était assez sûr de la victoire finale pour ne pas masquer les revers, parce qu'il parlait pour « vacciner contre la lassitude », parce qu'il se ressentait comme le lien sonore avec les Français submergés par l'Occupation.
Né à Paris le 10 avril 1911, ce fils de joaillier fait ses études aux lycées Janson-de-Sailly et Henri-IV ; après sa licence ès lettres, il est attaché aux bureaux de Londres puis de Paris de l'Agence Havas, de 1935 à 1939. Éditorialiste de politique étrangère à Temps Présent, il est, sous le pseudonyme d'André Sidobre, l'un des démocrates-chrétiens engagés du quotidien L'Aube avant d'être, de 1945 à 1949, le premier président du Mouvement républicain populaire (M.R.P.). Juif converti, premier président de l'Association des écrivains catholiques et président des Journalistes catholiques, il a, selon le cardinal Lustiger, « agi chrétiennement en politique » cependant que sa voix de Londres « venait de la conscience d'une nation ».
Européen convaincu, il est du 14 avril au 16 mai 1962, un éphémère ministre de l'Aménagement du territoire. Il quitte le gouvernement, avec tous les ministres M.R.P., lorsque le général de Gaulle rejette l'idée d'une Europe intégrée et du « volapük européen ». Mais ce compagnon de la Libération retrouve des portefeuilles ministériels, tour à tour comme ministre d'État chargé de la Recherche scientifique et des Questions atomiques et spatiales (avr. 1967-mai 1968), ministre d'État chargé des Affaires sociales (mai 1968-juin 1969), ministre des Affaires étrangères (juin 1969-mars 1973). C'est dans ce ministère qu'il avait occupé son premier poste, avec un rang de secrétaire d'État, d'août 1951 à juin 1954, et avec la pleine responsabilité du Département du 20 janvier au 8 mars 1952. Son intérêt constant pour les affaires extérieures s'est marqué aussi par ses présidences de la délégation française à l'Assemblée générale des Nations unies en 1953 et de la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale de janvier 1959 à avril 1962, puis de décembre 1962 à mars 1967.
Pivot du passage des gouvernements tripartites au système de la Troisième Force, Maurice Schumann a cumulé de nombreux mandats au titre du M.R.P. ou de l'Union des démocrates pour la République et du Rassemblement pour la République. Élu député du Nord, sans interruption, de 1945 à 1973, sénateur du Nord de 1974 à sa mort, il préside, à partir de 1986, la commission des Affaires culturelles du Sénat mais aussi le collège des Conservateurs du domaine de l'Institut de France à Chantilly.
Auteur d'une quinzaine d'ouvrages, Maurice Schumann fut élu en 1974 à l'Académie française. Chargé d'un des deux discours pour la « panthéonisation » d'André Malraux en 1996,[...]
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Écrit par
- Charles-Louis FOULON : docteur en études politiques et en histoire, ancien délégué-adjoint aux célébrations nationales (ministère de la Culture et de la Communication)
Classification
Média