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UTRILLO MAURICE (1883-1955)

De Maurice Utrillo, peintre paysagiste français de l'école de Paris, la légende populaire et quelques biographes trop zélés ont fait un peintre maudit. En sacrifiant à la description d'une vie que la peinture sauva de la pire déchéance, on risque de ne pas accorder toute l'attention qu'elle mérite à une œuvre extrêmement abondante, limitée dans son propos, mais d'une incontestable originalité pendant les dix premières années. Pour peindre ses thèmes favoris, la ville et la banlieue, Utrillo déploie toutes les ressources d'un talent de coloriste qui le situe dans la lignée de Corot, et dont il se sert pour créer un univers d'une poésie toute personnelle, d'une obsédante mélancolie.

Suzanne Valadon

Né à Paris de père inconnu, Maurice Utrillo porte le nom d'un critique d'art espagnol, Miguel Utrillo, qui l'adopta en 1891. Sa mère, Suzanne Valadon (1865-1938), acrobate de cirque, modèle, femme libre aux amours tumultueuses, est un des peintres importants du début du xxe siècle. La fatalité de l'alcoolisme qui pesa si lourdement sur le destin d'Utrillo se manifeste, en 1900, par une crise aiguë qui justifie la première cure de désintoxication à l'asile Sainte-Anne. Sur les conseils des médecins, sa mère l'initie au dessin et à la peinture en 1902. Aussitôt, l'élève fait preuve de remarquables dispositions. Travaillant vite et beaucoup, il expose pour la première fois au Salon d'automne de 1909. Sa première exposition particulière a lieu en 1913 à la galerie Eugène Blot. De fréquents internements dans plusieurs maisons de santé n'interrompent pas une activité artistique que couronne le succès dès 1919. Rendu à une vie plus calme à partir de 1923, Utrillo ne cessera de peindre jusqu'à sa mort à Dax.

Les historiens d'art rendent désormais justice à Valadon et saluent en elle un talent d'une réelle envergure. Encouragée par les plus exigeants des maîtres, Toulouse-Lautrec et Degas, cette autodidacte se révéla d'emblée un dessinateur de grande race. Son œuvre peint puise dans ce don exceptionnel des qualités de vigueur et de construction dont la peinture française offre peu d'exemples plus probants. Cernées, cloisonnées par un trait tantôt souple, tantôt rageur, les formes s'assemblent en compositions puissamment rythmées, d'une grande densité, qu'accuse encore un espace de peu de profondeur. La leçon du Gauguin de Pont-Aven n'est pas moins sensible dans un goût crânement affiché pour un chromatisme assourdi, ponctué de brefs éclats, pour une matière riche et lumineuse, pour la simplification des plans et les longues arabesques décoratives. Moderne, Valadon l'est aussi par son refus de l'anecdote. Si la figure et le portrait l'intéressent presque exclusivement, rien de moins académique que les modèles qu'elle choisit ; ils appartiennent pour la plupart à une humanité marquée par la misère, la détresse physique et morale, ou bien se situent franchement, avec leurs corps épais et leurs noueuses anatomies, en dehors des canons traditionnels. Nulle complaisance dans ce parti pris, mais une simple volonté de saisir la vie dans sa singularité et sa démesure, bref une recherche du caractère et de l'expression qui autorise à considérer Valadon comme l'un des représentants les plus plausibles d'un expressionnisme français.

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  • VALADON MARIE-CLÉMENTINE dite SUZANNE (1865-1938)

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    Autodidacte, Suzanne Valadon est une des seules femmes issues de la classe ouvrière à embrasser une carrière artistique à la fin du xixe siècle. Née le 23 septembre 1865 à Bessines-sur-Gartempe (Haute-Vienne), la fillette prénommée Marie-Clémentine grandit à Montmartre au côté de sa mère lingère....