KAGEL MAURICIO (1931-2008)
Avec un catalogue de près de 200 opus, riche de compositions pour orchestre, voix, piano, formations de chambre, d'œuvres scéniques, de onze pièces radiophoniques et de dix-sept films, le compositeur, chef d'orchestre, réalisateur et pédagogue allemand d'origine argentine Mauricio Kagel s'est affirmé comme l'un des artistes les plus importants du xxe siècle. Se démarquant de beaucoup de compositeurs de sa génération – notamment en prenant ses distances avec l'intellectualisme ardu de l'après-guerre –, Kagel a offert un autre visage, moins austère, plus ludique et plus sensuel, aux musiques de son temps.
Mauricio Raúl Kagel naît le 24 décembre 1931 à Buenos Aires. Il suit, en privé, des cours de piano, de violoncelle, d'orgue, de chant, de direction d'orchestre. Avec cette ironie mordante qui constitue un trait marquant de sa personnalité, il expliquera qu'il s'est formé à la composition en autodidacte, au contact de professeurs aux dons pédagogiques insuffisants ! Il étudie parallèlement la philosophie et la littérature à l'université de Buenos Aires, où un de ses professeurs est Jorge Luis Borges.
Mauricio Kagel a toujours mené des vies parallèles, pratiquant simultanément les genres de la scène, du concert, du cinéma, du théâtre et de la radio. Il occupe également des postes d'animateur de la vie culturelle argentine. À l'âge de dix-huit ans, il devient ainsi conseiller artistique de l'Agrupación Nueva Música, association dévolue à la diffusion et à la promotion des musiques nouvelles ; en 1950, il participe à la création de la Cinémathèque argentine. Dès cette époque, il s'adonne également à la critique de cinéma et de photographie. En 1955, il devient chef d'orchestre et se produit notamment au Teatro Colón de Buenos Aires. Deux ans plus tard, il obtient une bourse qui lui permet de quitter son pays pour l'Allemagne et de s'installer à Cologne. L'année suivante, il suit les cours d'été de Darmstadt, temple de l'avant-garde, où il rencontre Pierre Boulez, Karlheinz Stockhausen, Luciano Berio, Luigi Nono... Kagel enseignera dans de nombreuses institutions : durant les cours d'été de Darmstadt (de 1960 à 1966, puis de 1972 à 1976), à Cologne, où il dirige les cours de musique nouvelle (Kölner Kurse für Neue Musik) de 1969 à 1974 ; de 1974 jusqu'à la fin de sa vie, il occupe la chaire de théâtre musical à la Musikhochschule de Cologne.
Kagel va s'affirmer comme un maître du théâtre musical et du théâtre instrumental. Le théâtre musical se différencie de l'opéra au sens où c'est la musique qui justifie le théâtral, que c'est elle qui commande à toute la dramaturgie. Anagrama, pour chanteurs solistes, chœur parlé et ensemble de chambre (1957), constitue une de ses premières tentatives de théâtre musical. Il va plus loin en inventant avec sa pièce Sur scène (1960) le théâtre instrumental, qui se propose de mettre en scène le geste musical. Dans son livre Tamtam, il écrit : « Il est sans doute plus exact de parler non pas d'un théâtre musical mais bien d'un théâtre instrumental, pour faire la distinction nécessaire entre l'action chantée de l'opéra d'une part et la participation théâtrale de l'instrumentiste d'un morceau de musique de chambre de l'autre. » Théâtraliser, exagérer, pousser le geste instrumental à son paroxysme : très représentatif du genre, Match (1964) met en scène un duel entre deux violoncellistes et un percussionniste qui sert d'arbitre.
Parmi ses autres pièces, citons encore Antithèse (1962), Staatstheater (1971) et Exotica, pour « instruments non européens » (1972). Dans Exotica, Kagel demande à des interprètes occidentaux de jouer avec des instruments qu'ils ne maîtrisent pas ; l'intérêt de la[...]
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Écrit par
- Juliette GARRIGUES : musicologue, analyste, cheffe de chœur diplômée du Conservatoire national supérieur de musique de Paris, chargée de cours à Columbia University, New York (États-Unis)
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