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MAX BECKMANN. UN PEINTRE DANS L'HISTOIRE (exposition)

En organisant une superbe exposition consacrée à Max Beckmann (1884-1950) au Centre Georges-Pompidou (10 septembre 2002-6 janvier 2003), la France rendait pour la première fois hommage à un peintre allemand qui, avant de rompre définitivement avec l'Europe en 1945, avait éprouvé une forte attirance pour Paris au point d'y louer un atelier en 1929. Ce qu'il s'était vu reprocher par l'École des arts décoratifs de Francfort où il était à la tête de l'atelier de maîtrise depuis 1925. Les éditions de l'École nationale supérieure des beaux-arts (E.N.S.B.A.) ont pris à cette occasion l'heureuse initiative de publier les Écrits (2002) de Max Beckmann dans une traduction malheureusement bâclée.

L'exposition, d'une belle simplicité, a fait découvrir la cohérence extrêmement forte d'une conception de la peinture qui refuse d'abandonner l'idée d'une transcendance, sans pour autant venir abonder dans le sens de ceux qui défendent le retour à la figure au nom d'un humanisme convenu ou par goût de la « belle ouvrage » d'antan. Beckmann pensait que la peinture était par excellence le moyen d'établir un passage entre l'œuvre sensible et l'idée : en ce sens il est pleinement platonicien ; que ce monde intermédiaire, où l'échange entre l'absolu et le concret est possible, peut réunir les hommes parce qu'il propose un monde d'images accessibles à tous et donc à ceux pour qui Dieu est une figure trop abstraite : en ce sens il est pleinement romantique. Il éprouvait d'ailleurs du mépris pour l'art abstrait et pour l'art décoratif, dont relevaient selon lui les papiers peints de Gauguin, les étoffes de Matisse ou encore les échiquiers de Picasso, véritables incitations à la paresse de l'âme, que Beckmann retrouvait aussi dans les trois grands maux de notre époque : la voiture, la photographie et le cinéma, qui nous « transportent » et coupent ainsi toute velléité de nous transporter nous-mêmes vers le spirituel.

Les nombreux autoportraits de Beckmann, et l'exposition en présentait plusieurs, nous montrent un homme abrupt, au visage austère, comme ce célèbre Autoportrait en smoking (1927), et pourtant les témoignages que nous possédons révèlent un homme très chaleureux avec ses interlocuteurs.

On peut reprocher à l'exposition son sous-titre ; il est tout à fait impropre, en effet, de dire que Beckmann est Un peintre dans l'histoire. La Première Guerre mondiale l'a certes plongé dans une grave dépression à laquelle il ne s'est arraché que par le dessin, mais il est le contraire d'un peintre dans l'histoire, car les spectacles auxquels il assiste sont intemporels, éternels, comme « ces hommes à demi-nus, le corps couvert de sang attendant qu'on leur mette des bandages blancs... De nouvelles images de la flagellation du Christ ». Beckmann n'a jamais voulu convertir ce qu'il a vu en images de propagande, il ne fera jamais de politique et préféra la « politique de l'art », en militant dans les associations d'artistes comme la Sécession.

Cet homme, qui admirait des penseurs ou des écrivains proches du romantisme (les écrits de Schopenhauer ou le Titan de Jean Paul, son œuvre préférée), s'engagea pourtant dans les rangs de la Nouvelle Objectivité. Mais il ne s'agissait pas de « faitalisme », pour reprendre le terme de Nietzsche, d'approbation inconditionnelle de ce qui est, comme chez le photographe Albert Renger-Patzsch (Die Welt ist schön, Le Monde est beau) ; rien n'est plus étranger à Beckmann que cette attitude de soumission au fait. On sait qu'il appréciait Wilhelm Leibl (1844-1900), le peintre réaliste bavarois, mais l'« objectivité transcendantale » à laquelle il aspirait, et dont il trouvait des exemples chez Cézanne, Van Gogh ou chez son[...]

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