BECKMANN MAX (1884-1950)
Le choc de la Première Guerre mondiale
Engagé comme volontaire dans les services sanitaires de l'armée allemande, il connaît dès 1915 une profonde dépression physique et psychique. La guerre provoque une rupture radicale dans son existence et dans sa création ; son langage pictural en sort profondément modifié. L'Obus (Sprengel Museum, Hanovre), une pointe-sèche de 1915, est significatif de ce tournant : la composition est éclatée, les traits brisés se heurtent et s'arrêtent brutalement. Dans Le Christ et la femme adultère (1917, Saint Louis Art Museum) et La Descente de croix (1917, Museum of Modern Art, New York), il recourt aux thèmes religieux pour évoquer le conflit. Mais c'est avec La Nuit (1918, Kunstsammlung Nordrhein-Westfalen), représentant une scène de persécution politique, que s'affirme véritablement son nouveau style, synthèse originale qui puise aussi bien aux sources de l'art gothique allemand, de l'art renaissant italien que de l'art moderne français. Il y exprime dans un réalisme symbolique, et au moyen d'un contraste de couleurs blafardes et criardes, la brutalité et la cruauté de la guerre. La distorsion de l'espace, l'aspect grotesque des personnages, la théâtralité de la mise en scène, tout rappelle l'importance dans son œuvre de l'ironie, nécessaire pour exorciser l'horreur.
Alors que l'Allemagne semble sortir de la crise et cherche un difficile équilibre dans le régime républicain de Weimar, Beckmann devient un peintre renommé. Il épouse en 1925 Mathilde von Kaulbach, surnommée « Quappi », qui l'introduit dans un milieu aristocratique et mondain. Il est nommé, la même année, directeur de la Städelschule de Francfort. Sa peinture trouve un certain apaisement. Dans Autoportrait en smoking (1927, Harvard University Museums, Cambridge), un des nombreux autoportraits qu'il aura exécutés tout au long de sa vie et qui constituent l'épine dorsale de son œuvre, il apparaît sûr de lui ; une main posée au-dessus de la hanche, l'autre tenant une cigarette. En lui permettant de se représenter dans les costumes les plus divers et d'assumer les attitudes les plus variées, l'autoportrait est le moyen privilégié par l'artiste pour interroger non pas tant sa propre personne et son destin individuel que sa condition d'être humain. Ce regard impitoyable et infatigable qu'il pose sur son existence apparaît aussi dans son journal. D'autres peintures de cette époque reflètent sa fascination pour la théâtralité – implicite ou non – qui est le propre de la vie, comme Le Portrait de l'acteur russe, Zeretelli (1927, Harvard University Art Museums, Cambridge).
En 1928, à l'occasion d'une importante rétrospective de l'œuvre de Beckmann à Mannheim, Julius Meier-Graefe, célèbre critique d'art, dira de lui : « Nous avons encore une fois un maître parmi nous. » Il parvient en même temps à une certaine reconnaissance internationale.
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Écrit par
- Aurelia ELIS : D.E.A. en esthétique et sciences de l'art de l'université Paris-I-Panthéon-Sorbonne, doctorante à l'École des hautes études en sciences sociales, Centre d'histoire et théorie de l'art
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