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BROD MAX (1884-1968)

Écrivain, philosophe, dramaturge, compositeur, Max Brod, sur la scène culturelle du demi-siècle passé, compte au nombre des personnalités les plus diverses que l'on connaisse. Pourtant sa réputation tient moins à l'œuvre qu'il laisse qu'au renom dont il jouit comme éditeur et interprète de Kafka.

Né à Prague, où il vivra jusqu'en 1939, Brod étudie le droit avant de se consacrer à la littérature. Comme Werfel, Rilke et Kafka, il appartient à ce qu'on appelle l'« école de Prague ». Sous la pression des événements, il quitte son pays et trouve en Israël, comme dramaturge au théâtre Habimah, un nouveau champ d'activité. Ciel étoilé (Sternenhimmel, 1934), recueil de monographies dédié à Beethoven, à Janáček et à Schönberg, avait déjà prouvé son amour de la musique. Avec le Requiem hebraicum, le voici promu compositeur.

Jeune encore, il avait publié des poèmes dans des revues littéraires. En 1906, un récit néo-romantique, Mort au mort (Tod dem Toten), rencontre un écho : on loue Brod d'exprimer une esthétique révolutionnaire. En fait, le jeune homme s'inspire de la philosophie de Husserl, mettant l'accent sur le rôle de l'intuition et sur le droit aux jugements de valeur que détient tout artiste. Inutile de chercher l'essence des choses en elles-mêmes : c'est dans la reproduction qu'en donne l'art qu'on la trouvera.

Ce thème, Brod le reprend dans son premier ouvrage de longue haleine, Le Château de Nornepygge (Schloss Nornepygge, 1908), « roman d'un indifférent ». Grâce au monde utopique qu'il s'est bâti, un héros passif revit sur un plan symbolique les expériences que connaissent les personnages du séducteur, du bourgeois, de l'ermite et de l'empereur. On ne saurait récuser là une certaine analogie avec le Des Esseintes d'À rebours ; mais tandis que le héros de Huysmans finit par rallier le monde, celui de Brod se réfugie dans la mort.

Une revue annuelle qu'il édite dès 1913, Arcadie, permet à Brod de formuler ses conceptions : tout point de vue, politique, social ou économique, doit peser dans le choix des manuscrits ; l'écriture en soi a sur le monde un effet salutaire. Si bien qu'après avoir tant recherché dans ses ouvrages de jeunesse l'originalité, Brod, dans ses écrits théoriques, accorde une importance étonnamment minime à l'art de formuler. Il en est ainsi de l'étude Paganisme, christianisme, judaïsme (Heidentum, Christentum, Judentum, 1921). Le juif y joue le rôle d'un homme prophétique et actif, à mi-chemin entre les soucis terrestres du païen et les aspirations du chrétien : la chrétienté pourrait donc, dans le judaïsme, puiser de nouvelles forces. Plus tard, Brod abordera des sujets religieux jusque dans ses romans. En 1952, parut ainsi Le Maître (Der Meister), un livre sur Jésus, fidèle aux Évangiles mais sujet à caution sur le plan historique.

De fait, l'intérêt de Brod pour l'histoire remontait loin. Dès 1916, en effet, dans l'Itinéraire vers Dieu de Tycho Brahe (Tycho Brahes Weg zu Gott), il narre l'aventure d'un astronome vieillissant ; elle va du doute au renoncement puisque aussi bien Tycho Brahe recommande au roi Rodolphe II un collaborateur plus jeune et plus doué que lui, Johannes Kepler. À la fin du roman, Brod montre à quel point il s'est maintenant détourné de l'esthétisme : il prône l'autosacrifice sans contrepartie aucune. Ce grand récit historique est le premier ouvrage d'une trilogie (Kampf um die Wahrheit), qui se poursuit par Rëubeni, Fürst den Juden (1925), puis par Galilei in Gefangenschaft (1948).

Parallèlement à ces ouvrages culturels, historiques et philosophiques, Brod pratique depuis 1909, année où parut Une servante tchèque (Ein tschechisches Dienstmädchen), le genre court : récit, nouvelle,[...]

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