ERNST MAX (1891-1976)
Les frottages
Toujours à la recherche de moyens propres à réduire la part active du « créateur », Ernst découvre en 1925 le frottage. Saisi un jour par l'aspect hallucinatoire d'un plancher en bois aux rainures très apparentes, il y pose des feuilles de papier qu'il frotte avec de la mine de plomb. Un paysage sous-jacent paraît. Ainsi, Max Ernst parvient à libérer les structures secrètes des matériaux, des plantes et des feuillages. L'intervention du peintre leur confère une direction, une forme allusive. Max Ernst codifie le procédé dans son Histoire naturelle (1926). Grattées dans la couleur, ces structures frottées lui permettent désormais de faire surgir de ces toiles monstres, oiseaux, forêts nocturnes, Hordes, Villes entières attaquées par une végétation luxuriante. Ce bestiaire, ces barbares, ces acropoles dévastées, les cruels Jardins gobe-avions annoncent la catastrophe qui menace l'Europe. L'Ange du foyer (1937) est le symbole du fléau totalitaire. Max Ernst exprime dans ces frottages ses propres visions. « Il faut transcrire ce que l'on voit à l'intérieur », dit-il avec Caspar David Friedrich, son peintre préféré. Les tableaux de cette époque contiennent en outre des renvois précis à la peinture du Moyen Âge tardif – des maîtres de Cologne à Jérôme Bosch et Grünewald. La décomposition de l'ancien monde est rendue par l'aspect spongieux obtenu par la décalcomanie que pratiquait alors le peintre. L'Europe après la pluie (1940-1942) résume cette période.
Tandis que sa liberté d'attaque – il pratique le « dripping » sur la toile posée à plat sur le sol – impressionne les jeunes peintres new-yorkais, surtout Jackson Pollock, Max Ernst abandonne les paysages tragiques et touffus pour retourner à un art plus construit, plus léger aussi. L'ironie, qui anime toujours son œuvre, y brille de multiples facettes. Tout y est allusion, signe, jeu d'esprit. Les toiles se peuplent de lutins, de « drôles », sortis directement de l'humour inquiétant de Lewis Carroll. À la fois profondes et joyeuses, ses peintures des années 1950-1965 gardent cet aspect cosmique que Ernst a toujours su donner à ses compositions, par leur clarté astrale, l'horizon bas, l'espace fuyant, les couleurs transparentes qui caractérisent aussi les tableaux de C. D. Friedrich. Une mystique claire y règne. Des œuvres comme : L'Oiseau rose (1956), Pour les amis d'Alice (1957), Le Mariage du ciel et de la terre (1962), Question d'insecte (1963), attestent que le symbolisme du peintre – forêts, lunes, oiseaux – est métamorphosé en un cosmos cristallin et magique. À partir de 1965, Max Ernst recourt à nouveau à des assemblages de matériaux. Dentelles, cages à oiseaux, papiers peints et autres accessoires aérés suffisent à l'artiste pour arriver à une sérénité dont l'ironie ne cache pas les profondeurs.
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Écrit par
- Günter METKEN : docteur de la faculté de philosophie de Munich
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