LORENZ MAX (1901-1975)
Né à Düsseldorf, Max Lorenz porta avec bonheur, et même avec élégance, une chance historique qui aurait pu lui être fatale. Il incarnait de façon presque idéale, au physique comme au vocal, le type wagnérien du héros aryen, le Siegfried et le Tristan rêvés, au moment même où l'idéologie nazie s'emparait de l'image. Il prit la place de Lauritz Melchior à Bayreuth en 1933 comme Heldentenor absolu, et Hitler fit de lui son ténor favori. Cette illustration ne déteignit en rien sur le caractère de Max Lorenz, pas plus qu'elle n'influa sur sa carrière. Dès après ses débuts à Dresde (1927), le monde entier l'avait appelé. Le Metropolitan l'applaudit dès 1931. La guerre finie, il retrouvera le monde entier, mais le port d'attache de cette seconde partie de sa carrière, au lieu de Berlin, sera Vienne, où ses triomphes dans Otello éclipseront alors en grande partie son identité wagnérienne ! En 1935, il avait créé à Berlin Le Prince de Hombourg de Paul Graener. À Salzbourg, dans les années 1950, Max Lorenz sera le héros de quelques brillantes créations contemporaines — Le Procès de Gottfried von Einem (1953), où il était Monsieur K., la Pénélope de Rolf Liebermann (1954), Irische Legende de Werner Egk (1955) — et d'un Palestrina de Hans Pfitzner, devenu légendaire. Dans l'éclat de ses trente ans, Max Lorenz avait radicalement modifié l'image théâtrale du héros wagnérien : svelte, juvénile d'œil et de visage, simplifiant et stylisant l'habit, idéalisant, en quelque sorte, l'adolescent en braies aux dimensions d'une figure mythique, intemporelle et hors mode, il fut assurément le premier chanteur wagnérien moderne, et seules ses fantastiques ressources vocales, restées inentamées fort tard, ont pu faire oublier qu'avant d'être un chanteur il fut un révolutionnaire intellectuel, et même cérébral. Son Tristan de 1939 à Bayreuth avec l'Isolde de Germaine Lubin a marqué à la fois l'apogée et la fin d'un monde. Pédagogue coté, retiré à Salzbourg, Max Lorenz communiqua un peu de sa liberté athlétique et poétique à son élève James King.
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Écrit par
- André TUBEUF : agrégé de l'Université, ancien élève de l'École normale supérieure
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