ROACH MAX (1924-2007)
Dans l'univers des batteurs, Max Roach occupe une place privilégiée. On ne lui doit aucune de ces innovations qui bouleversent le monde du jazz, aucune de ces révolutions qui ouvrent en grand les portes de l'histoire, aucun de ces débordements explosifs qu'acclament les foules. Et pourtant, il reste dans les mémoires comme un artiste unique, inimitable. Sans doute parce que, réalisant à peu près tout ce que l'on peut accomplir avec deux pieds, deux mains et une batterie, il nous amène aux frontières de l'impossible, dans une contrée où la plus ahurissante virtuosité, refusant tout effet gratuit, n'obéit qu'à la discrétion et à la sensibilité, où de la pure intelligence jaillit la musique.
Poétique de la batterie
Maxwell Lemuel Roach naît à New Land (Caroline du Nord) le 10 janvier 1924. Son enfance et son adolescence à New York, où sa famille s'établit, ne nous livrent que peu d'éléments significatifs. Il se serait intéressé au jazz dès l'âge de huit ans, puis initié au piano et aurait fait partie d'un orchestre de parade. C'est sa mère, chanteuse de spirituals et de gospels, qui lui conseille d'abandonner le bugle pour les percussions. Il semble qu'il ait pris quelques leçons avec le batteur Cozy Cole. Ses progrès sont à ce point impressionnants qu'il peut remplacer au pied levé le temps d'un concert – il a seize ans à peine – Sonny Greer, le batteur de l'orchestre de Duke Ellington. Il réalisera le même exploit quelque temps après au sein de l'orchestre de Count Basie. En 1942, il obtient un diplôme de percussion à la Manhattan School of Music. Louis Jourdan offre un premier engagement professionnel au débutant qui s'exprime alors dans un style proche de celui de Chick Webb et de Big Sid Catlett. Il fréquente assidûment les clubs de cette 52e Rue où le be-bop est en train de naître. Il entend alors au Minton's Play House celui qui, avec Jo Jones, devait exercer une influence décisive sur sa technique et son style : Kenny Clarke. Très vite, il devient le batteur préféré des étoiles montantes du nouveau mouvement, Charlie Parker et Dizzy Gillespie, tout en étant le batteur attitré du Uptown House, le club de Clark Monroe, beau-frère de Billie Holiday. En 1943, il enregistre pour la première fois, avec un quartette dirigé par Coleman Hawkins. Il s'échappe avec Benny Carter en Californie, mais retourne dès 1945 auprès du grand trompettiste. Les studios se l'arrachent ; il enregistre avec les plus grands : Coleman Hawkins, Fats Navarro, Charlie Mingus, Thelonious Monk, Bud Powell, Stan Getz, Lee Konitz, Sarah Vaughan, Flip Phillips, Tadd Dameron, Jay Jay Johnson.
Surtout, Charlie Parker le retient dans ses quintettes et sextettes illustres – qui rassemblent notamment Miles Davis, Jay Jay Johnson, Fats Navarro et Bud Powell –, avec lesquels il va donner le meilleur de lui-même dans les principaux albums que signe Parker de 1945 à 1953, avec des pièces comme Koko, Billie's Bounce, Scrapple from the Apple ou Parker's Mood. Ce que le style be-bop a donné de plus parfait au disque l'a été avec son concours : Ornithology (Thrivin' On A Riff, 1945), Donna Lee, Embraceable you, Klact-oveeseds-tene, Crazeology (1947), Ah-Leu-Cha (1948), Au Privave (1951), Yardbird (1953)... Cela ne l'empêche pas d'être au côté de Miles Davis en 1949 pour permettre l'émergence d'un monde sonore bien différent, le style cool, avec un album devenu culte, Birth of the Cool, où il côtoie Kai Winding (trombone), Jay Jay Johnson (trombone), Lee Konitz (saxophone alto), Gerry Mulligan (saxophone baryton), John Lewis (piano), Al Haig (piano). C'est avec Charlie Parker encore qu'il participe, en 1949, au fameux festival Pleyel à Paris. Il entre au J.A.T.P. (Jazz at the Philharmonic), avec lequel il fait une tournée en Europe[...]
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Écrit par
- Pierre BRETON : musicographe
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