ROUQUETTE MAX (1908-2005)
À l'origine de la vocation d'écrivain de Max Rouquette se trouve probablement l'expérience jamais oubliée d'un contact charnel avec la nature dans le petit village des garrigues montpelliéraines d'Argelliers (Hérault), où il est né et a passé son enfance. Ses premiers poèmes, rassemblés en 1937 et 1942 dans Les Songes du matin, puis Songes de la nuit, comme ses premiers essais en prose (le récit autobiographique Secret de l'herbe, 1934), disent à la fois le sentiment d'une totale communion de l'homme – l'enfant, puis l'adulte se souvenant de l'enfant qu'il fut – avec la nature, et celui d'une séparation, d'une faille définitive, à travers laquelle il est désormais possible de goûter la beauté du monde, d'autant plus intensément présente qu'on la sait inatteignable. Plus tard, deux Bestiaires poétiques (2000 et 2005) feront de l'animal, à la fois fraternel et impénétrable, l'interprète privilégié des rythmes cosmiques.
Le choix de l'occitan comme langue d'écriture est directement lié à cette expérience initiale : la langue du village, langue méprisée, celle des plus pauvres et des plus humbles, mais aussi langue élue par quelques grands devanciers en littérature d'oc (les Provençaux Frédéric Mistral ou Joseph d'Arbaud), a été le lieu privilégié de cette communion interdite.
Dans cette contradiction inhérente à la condition humaine, Max Rouquette a trouvé sans relâche sa raison d'être et de persister. Pour cette raison sans doute, il n'a jamais vraiment séparé son engagement littéraire du combat pour la langue et la culture d'oc : militant de l'occitanisme étudiant (le mouvement du Nouveau Languedoc), animateur de la Société d'études occitanes dès avant la guerre et rédacteur de la revue Occitania, il fut un des fondateurs de l'Institut d'études occitanes à la Libération. Plus tard, il dirigera depuis Montpellier, aux temps du franquisme, la revue Vida nova, largement ouverte aux écrivains catalans de l'exil. On le retrouve encore, au début des années 1980, à la tête de la revue Òc, foyer majeur de l'écriture occitane moderne depuis les années 1920, dont la rédaction est alors animée par Bernard Manciet.
Les six volumes de nouvelles et de récits ou confidences autobiographiques publiés, d'abord en occitan, puis traduits en français par l'auteur, entre 1956 et 2003 (Le Corbeau rouge), sous le titre générique de Vert Paradis poursuivent, après la guerre, la quête de ce monde intérieur entrevu avec les premiers poèmes et les premiers récits en prose. Tout récit, tout poème, est en effet d'abord, pour Max Rouquette, descente vers les abîmes inconnus de l'inconscient, et tout l'art du poète ou du prosateur consiste à en rendre sensibles, par la musique des sons et des sens réunis, les capacités émotives. Les personnages de ses grands romans, écrits sur le tard, La Quête de Pendariès (1996), journal d'un médecin montpelliérain du xvie siècle au temps de la peste, ou Tout le sable de la mer (1997), qui conte les pérégrinations d'une sibylle de Cumes prise dans les cercles innombrables d'une éternité dont elle éprouve douloureusement l'absence de fin, apparaissent comme des doubles de l'écrivain (Rouquette exerça longtemps la médecine), égarés dans les déserts du temps et de l'espace, mais solidaires, contre tout espoir, de leurs semblables.
Ce besoin de fraternité, cette amitié profonde adressée tout au long de son œuvre aux siens, et d'abord à « ceux d'Argelliers », les habitants de ce « tout petit village. À qui je dois presque tout de ce que je tiens pour essentiel », caractérisent également le théâtre de Max Rouquette – une quinzaine de pièces régulièrement écrites depuis le début des années 1950 –, qui est d'abord[...]
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Écrit par
- Philippe GARDY : directeur de recherche au C.N.R.S.
Classification
Autres références
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OCCITANES LANGUE ET LITTÉRATURE
- Écrit par Pierre BEC , Charles CAMPROUX et Philippe GARDY
- 7 327 mots
- 1 média
...Peu de temps après commence la floraison lyrique des troubadours, avec Guillaume d'Aquitaine (1071-1127). Voici trois échantillons poétiques occitans empruntés respectivement à Guillaume de Poitiers (xie-xiie siècle), à Pierre Goudouli (1580-1649) et à un poète contemporain,Max Rouquette :