SCHELER MAX (1874-1928)
Culture et société
Influencé par Weber, par son ami Werner Sombart, c'est pourtant en phénoménologue que Scheler cherchait à décrire les sphères du monde historique, à étudier les idées comme expressions de classes et de moments ; en effet, l'intuition et la sympathie doivent pouvoir comprendre les communautés comme les personnes. Plus encore que le célèbre diagnostic du ressentiment à l'origine de nos idées morales et de la confusion des valeurs, plus que la critique de l'idée de progrès, plus même que la sociologie de la connaissance dont il fut un des pionniers, il faut relever le rapport essentiel que Scheler reconnaît entre la personne et la communauté où elle s'épanouit, solidaire des autres personnes.
Malgré les ambiguïtés et les variations de sa pensée, malgré des difficultés – la théorie des valeurs morales par exemple –, l'influence de Scheler s'exerça jusqu'aux années 1930 par sa confiance inspirée, par tout ce qu'il exprimait, éclairait, dénonçait d'aspirations confuses encore. L'idéalisme n'avait certes pas, depuis Nietzsche, connu adversaire plus virulent, mais la personne et la communauté devaient, libérées de leur volonté de puissance, se retrouver par la sympathie ; le monde et les valeurs se révélaient dans la lumière de l'Esprit qui n'agit ni ne crée. De cette influence, diffuse, l'Éthique de Nicolaï Hartmann, la philosophie des valeurs de Dietrich von Hildebrandt, la phénoménologie sociale d'Alfred Schuetz ne sont que quelques exemples précis ; en France, Paul Louis Landsberg, prolongeant la pensée de Scheler, contribua au personnalisme de la revue Esprit, surtout à sa conception de la solidarité entre personne et communauté.
Ce qui entretient l'oubli posthume – parfois ingrat –, c'est l'absence, chez ce voyant et ce pluraliste, de l'unité d'investigation des grandes interprétations existentielles ou psychanalytiques. Mais l'intuitionnisme émotionnel de Scheler a renouvelé l'idée de connaissance affective et approfondi les problèmes de l'intentionnalité, des valeurs et d'autrui.
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Écrit par
- Daniel CHRISTOFF : professeur à l'université de Lausanne
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