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GORKI MAXIME (1868-1936)

L'écrivain engagé

Le succès est immédiat, et international : ces récits apportent un nouveau type littéraire. Ils dépeignent des vagabonds, des marginaux fiers de l'être, des natures fortes, indépendantes, passionnées, anarchistes et individualistes, conscientes de leur supériorité sur les petits-bourgeois, les intellectuels et les paysans, en contraste avec le pessimisme et le misérabilisme dominants, ou les personnages falots de Tchekhov. Récits-légendes (La Vieille Izerguil), poèmes en prose allégoriques (Le Chant du faucon), récits réalistes à base autobiographique (Konovalov, Mon Compagnon) : Gorki varie les genres, mais exalte toujours la vitalité de l'homme, plongé dans une nature sensuelle. La critique l'accusera de faire l'apologie de l'individualisme nietzschéen, mais Tchekhov reconnaîtra en lui un grand artiste. Le Gorki romantique préfère le « mensonge exaltant » à la vile réalité et à la vérité qui peut tuer l'espoir (Le Serin qui mentait et le pic qui disait la vérité, 1893). Par la suite, dans les années 1930, la vision-refuge de l'« avenir radieux » masquera aussi pour Gorki les réalités du stalinisme. Gorki déteste les plaintes, la souffrance sacralisée par Dostoïevski, le fatalisme. Il est du côté des opprimés, des femmes, des juifs, et de tous ceux qui « créent la vie ».

Gorki « monte » à Saint-Pétersbourg pour la première fois en 1899. Là, il rencontre tous les écrivains du camp réaliste ; en 1901, il prend la codirection des éditions Znanie (Le savoir), dont il fera le bastion de la littérature réaliste, face aux tenants du symbolisme, avec quarante livraisons du recueil du même nom (1904-1913). Surveillé par la police depuis 1887, plusieurs fois interpellé, Gorki devient le flambeau de l'opposition au tsarisme. Il est L'Oiseau annonciateur de la tempête, pour reprendre le titre d'un poème en prose de 1901.

<em>Les Estivants</em> de M. Gorki, mise en scène de Gérard Desarthe - crédits : Raphael Gaillarde/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Les Estivants de M. Gorki, mise en scène de Gérard Desarthe

Ses premiers romans, Thomas Gordeiev (1899), Les Trois (1900) mettent en scène des personnages qui cherchent désespérément à donner un sens à leur vie : Thomas Gordeiev, fils d'un riche négociant de la Volga, étouffe dans son milieu, se révolte et est pris pour un fou. Dans Les Trois, la réalité s'oppose aux rêves de bonheur de trois frères. Les pièces du début du siècle, Les Petits-bourgeois (1901), Les Estivants(1904), Les Barbares (1905), Les Ennemis (1906), inaugurent une nouvelle période, celle de la littérature réaliste engagée : l'individualisme anarchiste laisse place au collectivisme socialiste, et l'écrivain dénonce, en militant, l'intelligentsia libérale coupée du peuple. Les Bas-Fonds (1902), avec ses clochards philosophes, et le personnage ambigu du consolateur, Louka, qui ressemble au serin de 1893, apporta à Gorki une immense renommée. La pièce fut jouée au Théâtre d'art de Moscou, dont une actrice sociale-démocrate (bolchevique), Maria Andréiéva, devint la compagne de l'écrivain.

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Écrit par

  • : professeur de langues et littératures slaves à l'université de Caen

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Gorki - crédits : General Photographic Agency/ Hulton Archive/ Getty Images

Gorki

<em>Les Estivants</em> de M. Gorki, mise en scène de Gérard Desarthe - crédits : Raphael Gaillarde/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Les Estivants de M. Gorki, mise en scène de Gérard Desarthe

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