GORKI MAXIME (1868-1936)
L'exil italien
Au début de l'année 1906, après la révolution de 1905, à laquelle il a participé à travers des pétitions, des appels, des discours, des articles, Gorki part pour les États-Unis avec Maria Andréiéva afin de réunir des fonds pour le Parti bolchevique, dont il sera membre de 1905 à 1917. Il y commence La Mère (1907), roman de formation (un ouvrier et sa mère, croyante, découvrent l'action révolutionnaire) qui deviendra l'archétype du réalisme socialiste à partir de 1932, mais que la critique, même marxiste, accueillit mal lors de sa parution. Gorki y exprime, didactiquement, une conception peu orthodoxe du socialisme comme nouvelle religion, destinée à remplacer Dieu par l'homme-dieu et par le peuple sacralisé. C'est à Capri, où il s'installe, jusqu'en décembre 1913, après sa tournée de propagande aux États-Unis, que l'écrivain défend cette « construction de Dieu », inspirée par Feuerbach, Bogdanov et Lounatcharski. Dans Confession (1908), un « chercheur de vérité », un novice déçu par l'Église trouve la vérité dans la masse ouvrière, dont l'énergie collective guérit une paralytique : par sa volonté collective, le peuple se révèle capable de miracles. Lénine, que Gorki connaissait depuis 1905, fit tout pour briser ce courant des « bolcheviks de gauche ». Mais c'est ce même énergétisme, cette croyance en la toute-puissance psychophysique de l'homme qui fit plus tard chanter à Gorki les louanges de l'homme nouveau soviétique, à la fois thaumaturge et maître de la nature. Au même moment, le Gorki publiciste écrit des pamphlets contre les États-Unis, la France, dénonce l'esprit petit-bourgeois, le cynisme (contre l'individualisme) et la « destruction de la personnalité », et veut que l'on interdise la mise en scène des Frères Karamazov et des Démons.
Une série d'œuvres des années 1910 décrit l'ennui et la vulgarité du marais provincial russe, en même temps que les ferments révolutionnaires qui l'agitent : La Vie d'un homme inutile (1908, portrait psychologique d'un indicateur de police), La Bourgade d'Okourov (1909), La Vie de Matvéi Kojémiakine (1910). Dans L'Été (1909), écrit d'après les carnets d'un agitateur socialiste révolutionnaire à la campagne, Gorki veut montrer que la résurrection du « grand peuple russe », encore brutal et asservi, est proche. Dans un cycle de récits écrits entre 1912 et 1917, et réunis en 1923 sous le titre À travers la Russie, Gorki poursuit l'analyse du caractère russe, à travers des personnages qui incarnent son génie, son endurance, mais aussi son manque de persévérance, sa méfiance envers le progrès : telle est l'« âme slave », capable de brefs et beaux embrasements, hésitant entre ce que Gorki définira dans un article de 1915 comme une âme « asiatique », passive et contemplative, soumise au destin, et une âme occidentale, rationnelle et active, qui se confond avec celle de l'Homme gorkien (L'Homme, allégorie de 1903). Pour Gorki, comme pour Faust, qui est son idole, avec Prométhée, « au commencement était l'action », et non le Verbe.
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Écrit par
- Michel NIQUEUX : professeur de langues et littératures slaves à l'université de Caen
Classification
Médias
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