RODINSON MAXIME (1915-2004)
Orientaliste français, Maxime Rodinson est né à Paris le 26 janvier 1915 dans une famille d'immigrés juifs russo-polonais installés en France à la fin du xixe siècle. Il baigne durant son enfance et son adolescence dans un climat familial – celui des milieux ashkénazes d'Europe Centrale et de Russie – favorable aux idées des Lumières et aux valeurs laïques et républicaines. Ses parents, militants au Parti socialiste de Jaurès, rejoignent le Parti communiste à partir de 1920. Il suit la filière des jeunes enfants de famille ouvrière, de l'école primaire au certificat d'études. De sa jeunesse prolétarienne et de son adolescence militante, Maxime Rodinson gardera un non-conformisme indéfectible. Coursier de quatorze à dix-sept ans, il entreprend d'étudier seul pour passer le concours de l'École des langues orientales qu'il réussit en 1932. Il se plonge dans le travail universitaire avec une passion méticuleuse et une rigueur qui ne se démentiront jamais. L'apprentissage de l'arabe, de l'hébreu et de l'araméen témoigne de son intérêt pour les langues sémitiques et pour la linguistique comparée, mais c'est l'amharique et surtout le guèze, l'éthiopien ancien, qui deviennent sa spécialité, et il succède dans cet enseignement à son maître Marcel Cohen.
Au début de la Seconde Guerre mondiale, il part pour la Syrie comme simple soldat, le 28 mai 1940. Démobilisé, il trouve un poste d'enseignant à l'École des Makassed à Saïda, puis devient fonctionnaire du Haut-Commissariat. Entre 1941 et 1947, Maxime Rodinson travaillera d'abord au Service des antiquités à Beyrouth, avec Daniel Schlumberger et Henri Seyrig. Il enseigne, par la suite, à l'École des lettres, créée par Gabriel Bounoure en 1945, et donne des cours de marxisme, selon sa formule, aux communistes syro-libanais. Sa candidature à l'Institut français de Damas n'ayant pas été retenue, à cause très probablement de son appartenance au Parti communiste français, il quitte le Liban, déçu de ne pouvoir travailler à sa thèse de doctorat (il soutiendra une thèse sur travaux en 1970, devant un jury composé de Georges Balandier, Régis Blachère, Claude Cahen et Henri Laoust). C'est à la fin de son séjour au Liban qu'il apprend la mort de ses parents à Auschwitz. À son retour en France, il trouve un emploi à la Bibliothèque nationale, au département des Imprimés orientaux. En 1955 débute sa carrière d'universitaire à la IVe section de l'École pratique des hautes études, où il enseigne jusqu'en 1999 le guèze, et à la VIe section voisine, l'ethnographie historique du Proche-Orient.
Marxiste militant, il n'hésite pourtant pas à affirmer des opinions, notamment sur les partis communistes arabes, qui ne vont pas tarder à indisposer la direction du Parti communiste français. Son exclusion, en 1958, marque sa liberté de pensée et la difficulté pour lui de concilier l'esprit scientifique et les dérives dogmatiques du politique, dont il s'est toujours méfié.
À l'instigation de son ami Jean Chesnaux, il écrit une biographie de Mahomet, appliquant à ce travail l'approche méthodologique des sciences sociales ; publié par le Club français du livre en 1961, l'ouvrage l'a fait connaître du grand public. Il publie ensuite, en 1966, Islam et capitalisme, œuvre qui va à l'encontre des idées reçues sur l'incompatibilité de l'Islam et de l'économie moderne ; puis en 1968,Israël et le refus arabe, dont les prises de position courageuses sur la question palestinienne – qui aboutissent à la constitution avec Jacques Berque du G.R.A.P.P. (Groupe de recherches et d'action pour le règlement du problème palestinien) –, lui vaudront des critiques et des menaces incessantes. Son article « Israël, fait colonial ? » paru[...]
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Écrit par
- Gérard D. KHOURY : écrivain-historien, chercheur associé à l'Institut de recherches et d'études sur le monde arabe et musulman
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