MAY DECEMBER (T. Haynes)
Le film du réalisateur américain Todd HaynesMay December (2023) emprunte son titre à une expression américaine qui désigne les couples dont les membres présentent une grande différence d'âge. Plusieurs longs-métrages en ont déjà fait les protagonistes de leurs récits, de manière dramatique (Boulevard du crépuscule, Billy Wilder, 1950 ; Mourir d'aimer, André Cayatte, 1971), légère (Le Lauréat, Mike Nichols, 1967), troublante (Lolita, Stanley Kubrick, 1962), sensuelle (Le Souffle au cœur, Louis Malle, 1971 ; Un dimanche comme les autres, John Schlesinger, id. ; L'Été dernier, Catherine Breillat, 2023) ou tout simplement naturelle (Manhattan, Woody Allen, 1979). Quant au scénario écrit par Samy Burch en collaboration avec Alex Mechanik, il s'inspire d'un fait divers qui défraya la chronique aux États-Unis en 1997. À Seattle, dans l'État de Washington, Mary Kay Letourneau, enseignante de trente-quatre ans, fait une fausse couche à la suite d'une liaison avec son élève, Vili Fualaau, un jeune Asiatique âgé de douze ans. Dénoncée, elle est condamnée à une peine de six mois d'emprisonnement, assortie d'une interdiction de revoir son amant. En 1998, deux semaines après sa libération, elle se trouve à nouveau enceinte de Vili et, cette fois, se voit infliger une réclusion de sept ans et demi. En 2005, devenu majeur, Vili demande l'annulation de l'interdiction imposée à l'ex-détenue de prendre contact avec lui et l'obtient. Le couple se marie et élève les deux jumelles nées pendant l'incarcération de leur mère.
Jeux de masques
Coproduit par Natalie Portman, le film de Todd Haynes s'inspire librement de ce drame. Le lieu est changé (Seattle devient Savannah dans l'État de Géorgie) et un personnage est ajouté : celui d'une actrice, Elizabeth Berry (Natalie Portman), qui enquête auprès des intéressés afin de parfaire l'interprétation qu'elle doit donner de cette femme que sa transgression des normes a transformée en paria. La narration suit au plus près le fil de son enquête, qui la conduit à rencontrer le premier mari de Mary Kay Letourneau, renommée ici Gracie Atherton-Yoo (Julianne Moore) ; son second époux, rebaptisé Joe (Charles Melton) ; le policier qui procéda à l’arrestation de Gracie ; son avocat ; l'un des enfants de son premier mariage, Georgie... Le tout constitue un puzzle qui, petit à petit, chez la comédienne, va créer un phénomène d'identification avec son modèle. Même gestuelle des deux femmes lors de l'essayage d'une robe de mariée par l'une des filles de Gracie, et même tenue blanche pour elles deux lors du départ de l'actrice à la fin du film. Un mimétisme jusqu'au transfert quand, dans l’animalerie où Gracie eut sa première relation sexuelle avec Joe, Elizabeth se livre au jeu d'un orgasme solitaire. Puis elle séduira Joe, lequel, en outre, entretient une étrange liaison par textos avec une inconnue. Le désarroi émotionnel amène ce dernier à contester son union avec celle qu'il accuse de l'avoir aguiché alors qu'il n'avait que treize ans, avant de fondre en larmes lors de la cérémonie de fin d'études secondaires de ses enfants – une attitude comme une allusion au futur divorce, en 2019, du véritable couple que formaient Mary Kay et Vili.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Michel CIEUTAT : enseignant-chercheur retraité de l'université de Strasbourg
Classification