Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

DEREN MAYA (1917-1961)

Meshes of the Afternoon, le court métrage d'un quart d'heure que Maya Deren coréalise en 1943 avec son mari Alexander Hammid (Alexander Hackenschmied), est considéré comme le premier film du cinéma expérimental américain moderne, annonciateur du futur courant underground. Le fait que cette bande soit conçue par des gens qui sont uniquement cinéastes (et non plus plasticiens), des artisans autonomes ne se rattachant plus à un courant artistique (dada•sme, surréalisme, constructivisme...) et, qui, par surcroît, autofinancent leur projet sans l'aide de mécènes, la différencie des travaux des avant-gardes historiques européennes des années 1920. Maya Deren délimite, pour la première fois dans l'histoire du cinéma expérimental (jadis simple excroissance du modernisme international), une identité qui lui est propre, par ses films certes, mais également par ses écrits théoriques et son combat sur le terrain pour trouver des lieux spécifiques de projections.

Fille d'un psychanalyste russe d'origine juive, Maya Deren est né à Kiev. Elle quitte l'U.R.S.S. dans sa prime enfance, termine sa scolarité en Suisse et rejoint sa famille à New York. Là, elle fait des études de journalisme et de littérature, s'intéresse à la danse, et se lie d'amitié avec la chorégraphe noire Katherine Dunham. Deren en gardera un intérêt pour l'anthropologie, et fera un voyage aux « antipodes » d'où elle tirera un film demeuré inachevé, Divine Horsemen : the Living Gods of Ha•ti (1947-1951). Elle est très proche dans les années 1930 des milieux trotskistes américains. Ses études de journalisme alliées à une pratique militante aideront la cinéaste à mener un combat acharné pour la reconnaissance d'un art ignoré et marginalisé.

Maya Deren n'était pas cinéphile avant sa rencontre avec Alexander Hammid – qu'elle épouse en 1942. Cinéaste d'avant-garde tchèque notoire – il tourne depuis 1930 –, il initie sa femme à la technique cinématographique et l'aide à se familiariser avec les œuvres expérimentales des années 1920. Le film qu'ils conçoivent en 1943, Meshes of the Afternoon, tourné initialement en muet, prolonge – même si la réalisatrice s'en défend par la suite – les recherches formelles des surréalistes et, surtout, de Cocteau. La nouveauté, ici, est thématique : ce film explore, comme jamais auparavant, les fantasmes et l'identité sexuelle féminine. Une séquence initiale est déclinée sur plusieurs modes à travers une structure en boucle : une femme (Deren elle-même, actrice dans ses premiers films) ramasse une fleur sur l'allée qui la conduit chez elle ; elle aperçoit brièvement une ombre humaine qui disparaît. Avant d'entrer dans la demeure, elle laisse tomber sa clé. Dans la maison, quelques objets à fonction symbolique (un couteau, un téléphone, un pick-up) la troublent. Elle s'assoit et s'endort face à la fenêtre. La rêveuse voit à nouveau la femme du début, qui suit cette fois-ci une mystérieuse silhouette qui a un miroir à la place du visage et qui tient la fleur à la main. Lorsqu'elle pénètre à nouveau dans la maison, les objets sont de plus en plus menaçants. À la quatrième reprise, les doubles de la dormeuse élisent celle qui ira la tuer... Cette dernière se réveille et voit le visage de son compagnon. Le film évoque, lu du côté de Maya Deren, la perte de la virginité et la peur qu'elle suscite (à travers la symbolique de la fleur), mais il est aussi le portrait amoureux et enjoué que peint Alexander Hammid de sa jeune femme.

Meshes of the Afternoon est le premier opus de ce qu'on nommera la Trilogie autobiographique de Maya Deren, qui révèle des aspects de la vie et des aspirations de son auteur. At Land (1944), son deuxième film, illustre la position d'outsider, qui fut la sienne : une femme[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Autres références

  • CINÉMA (Cinémas parallèles) - Le cinéma d'avant-garde

    • Écrit par
    • 11 954 mots
    • 3 médias
    ...que la réalisation désordonnée de petits films expérimentaux ne se soit jamais arrêtée aux États-Unis, l’apparition sur la scène intellectuelle de Maya Deren avec sa célèbre trilogie autobiographique, Meshes of the Afternoon, At Land (1944) et Ritual in Transfigured Time (1946), suivie de la publication...