McGHEE BROWNIE (1915-1996) et TERRY SONNY (1911-1986)
Le blues a connu plusieurs duos importants – comme les très influents Leroy Carr et Scrapper Blackwell ou Tampa Red et Big Maceo – mais aucun n'a connu la longévité et la célébrité de celui que formèrent Brownie McGhee et Sonny Terry. Tous deux ont enregistré plusieurs centaines de titres en trente ans de collaboration, joué à travers le monde entier et marqué substantiellement l'histoire du blues et du folk.
Walter « Brownie » McGhee est originaire du Tennessee (il naît à Knoxville le 30 novembre 1915) et c'est son père, un guitariste à la renommée locale, qui lui apprend à jouer, l'encourageant à tenter de vivre de sa musique, étant donné les lourdes séquelles d'une poliomyélite contractée dans la tendre enfance. Brownie fait partie de plusieurs spectacles itinérants qui le mènent à Durham (Caroline du Nord), capitale du tabac où la scène musicale noire est dominée par le bluesman Blind Boy Fuller. McGhee rejoint sans peine la cohorte d'admirateurs et d'émules qui tournent autour de Fuller et s'impose auprès du maître par ses talents de guitariste et ses dons pour écrire une chanson. Quand Blind Boy meurt en 1941, sa popularité est telle que les compagnies de disques cherchent un remplaçant immédiat : Brownie grave ainsi ses premiers disques sous le nom de Blind Boy Fuller no 2. McGhee s'installe alors à New York, joue dans les rues et les clubs de Harlem, compose énormément et ouvre aussi une école de blues, sans doute la première du genre.
Saunders Teddell, futur Sonny Terry, est un autre musicien des Caroline (il naît le 24 octobre 1911 à Greensboro, en Caroline du Nord). Aveugle dès son enfance, il débute avec des medicine shows dans lesquels il joue de l'harmonica et des osselets en dansant avant de vendre une potion miracle. En 1937, il rencontre Blind Boy Fuller, avec qui il s'associe pour jouer devant les fabriques de tabac de Durham. Alors que Terry vient à New York avec Fuller pour enregistrer, le producteur John Hammond s'entiche de sa manière spectaculaire et l'engage pour le célèbre concert From Spirituals to Swing qu'il organise le 23 décembre 1938 au Carnegie Hall de New York, un lieu très inhabituel pour le blues : le public, chic et blanc, réserve un triomphe à Sonny. À la mort de Fuller, Sonny se fixe à New York et s'associe avec Brownie McGhee, qu'il avait connu auprès de Blind Boy. Désormais ensemble (mais pas toujours : ils ont gravé beaucoup de disques séparément), Sonny et Brownie enregistrent de manière prolifique. Ils s'avisent aussi de l'existence des premiers cabarets folk de Greenwich Village et s'y produisent régulièrement dans un répertoire essentiellement composé de folksongs. Cette rencontre entre des musiciens noirs sudistes et un public exclusivement nordiste, blanc, étudiant et en majorité protestataire est un événement. Lorsque le folk boom devient, au début des années 1960, un phénomène d'importance, Brownie et Sonny acquièrent tout naturellement une place de choix sur cette nouvelle scène nationale. Ils seront aussi des pionniers des tournées européennes, notamment de celle de l'American Folk Blues Festival en 1962. Ils jouent enfin dans plusieurs pièces de théâtre de Broadway, dans des films et dans divers spectacles de music-hall – avec Harry Belafonte notamment –, où leur feeling de bluesmen se dilue quelque peu.
Le succès ne se dément pas mais les années qui passent, la lassitude, les objectifs divergents installent entre les deux hommes une inimitié réelle qui finit par gâcher leurs prestations scéniques ainsi que leurs disques, et aboutit à leur séparation au début des années 1980. McGhee se fixe à Los Angeles, où il n'aura plus qu'une activité musicale sporadique jusqu'à sa mort, à Oakland (Californie), le 16 février 1996. Terry continue d'enregistrer, notamment avec [...]
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Écrit par
- Gérard HERZHAFT : écrivain
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