MDC (Mouvement des citoyens)
Dans l'histoire politique française récente, le Mouvement des citoyens (M.D.C.) est un parti politique dont la chronologie est a priori aisément repérable : il est créé au congrès de Saint-Égrève, en 1993, par des socialistes principalement (Jean-Pierre Chevènement, Didier Motchane, Georges Sarre, Jean-Pierre Michel), autour d'un triple refus – libéral, atlantiste et européen ; il disparaît en tant que tel en 2002, remplacé par un Mouvement républicain et citoyen (M.R.C.), qui ne comprend plus aucun député – alors que le M.D.C. comptait sept élus en 1997. Dix courtes années, tumultueuses, qui auront vu le principal dirigeant du M.D.C., Jean-Pierre Chevènement, revenir à des fonctions ministérielles (au sein d'un gouvernement de « gauche plurielle » conduit par Lionel Jospin) avant de démissionner, pour la troisième fois de sa carrière, en août 2000. Le pari de la création d'un parti neuf et de la recomposition partisane dans les années 1990 paraît paradoxal dans la mesure où le discours dont il s'accompagne décrit la politique et les hommes politiques comme décrédibilisés ou « en crise ». C'est pourquoi un détour par l'histoire du groupe initialement formé par les fondateurs est indispensable pour comprendre comment des socialistes ont créé une marque politique propre, renonçant alors aux facilités (financières, militantes, idéologiques) offertes par leur ancien parti. Le groupe Chevènement des années 1960, parce qu'il apparaît initialement comme peu constitué politiquement, apprend à se transformer et à se laisser transformer dans des configurations différentes, par des élus, des militants, des intellectuels, des experts. Cette capacité assure sa longévité en politique et explique largement ses recompositions ultérieures.
Du C.E.R.E.S. au M.D.C. (1966-1993)
Au début des années 1960, quelques jeunes énarques (Jean-Pierre Chevènement, Didier Motchane, Alain Gomez) proposent de mettre leurs compétences scolaires au service de dirigeants de la gauche non communiste (de Guy Mollet, secrétaire général de la S.F.I.O., ou de François Mitterrand, candidat à l'élection présidentielle de 1965) et, parfois, adhèrent à la S.F.I.O. Cette entrée en politique très spécifique (par le « centre » et à la S.F.I.O. même) les différencie d'autres jeunes militants socialistes, engagés dans des clubs pour produire de l'expertise, ou dans un militantisme socialiste plus traditionnel, autour de l'animation de structures socialistes et de l'insertion dans la vie politique locale. La démarche de ces nouveaux venus, qui vont fonder le Centre d'études, de recherches et d'éducation socialistes (C.E.R.E.S.), est cependant bien peu linéaire : de la production d'une expertise a-partisane à des publications marxisantes, avant de se muer en un militantisme de fédération qui coïncide avec leur conquête de la fédération de Paris en 1969. Leur contribution à la victoire de François Mitterrand lors du congrès d'Épinay en 1971 leur procure des positions centrales au sein du nouveau Parti socialiste, à partir desquelles ils tentent de promouvoir de nouvelles façons d'être socialiste : militantisme dans les entreprises, intellectualisation des enjeux internes au parti, contrôle du parti sur ses élus, programme commun de gouvernement avec le Parti communiste.
Si certains socialistes (Pierre Mauroy par exemple) y voient un « parti dans le parti », ses membres ne se structurent en courant socialiste, avec création de positions internes et de publications militantes ou activité programmatique spécifique, qu'entre 1975 et 1979, à l'occasion de leur passage dans la minorité du P.S. La direction socialiste tend à renforcer ce processus, traquant la moindre « dérive » du C.E.R.E.S. Ces tensions resserrent les fidélités de ses membres entre eux, mais ont également un coût[...]
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Écrit par
- Benoît VERRIER : docteur en science politique, chercheur associé (contractuel) au Groupe de sociologie politique européenne, I.E.P. de Strasbourg
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