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MÉCANIQUE Histoire de la mécanique

La balistique

C'est sous le nom de balistique que la technique des projectiles produit au xvie et au début du xviie siècle un savoir particulier. Sans doute le jet, au service de l'agressivité de l'homme, appartient à une expérience aussi lointaine que celle des machines simples de la statique, mais l'invention des armes à feu et l'usage de l'artillerie sur des distances très grandes, et avec des angles de tir variés, ont apporté des expériences radicalement nouvelles et provoqué des préoccupations théoriques. En premier lieu, celle de la détermination de la portée en fonction de l'angle de tir, dont il s'avère très vite qu'elle n'est pas indépendante d'une autre analyse plus délicate et moins accessible à l'expérience, la forme de la trajectoire. Encore que les artilleurs de ce temps se contentent volontiers de l'empirisme le plus grossier, les princes, soucieux de l'efficacité militaire, ne dédaignent pas l'appel à la science, et la fonction de mathématicien ingénieur apparaît notamment en Italie, liée aux arsenaux.

La sollicitation en faveur d'une science du jet ne trouve pas devant elle un terrain vierge. On n'a pas attendu les couleuvrines pour s'intéresser au modèle significatif que constitue le mouvement des projectiles, c'est-à-dire à ce mélange de « naturel et de violent » (les deux catégories fondamentales de la tradition aristotélicienne) que réalise le lancer. Ici encore, la spéculation a été active dès le Moyen Âge et à la distinction du « mouvement naturel » et du « mouvement violent », le second seul exigeant l'appel à une causalité externe, s'est ajouté, depuis l'École parisienne du xive siècle, le recours à une notion vicaire, objet de discussions aussi passionnées que confuses, l' impetus. C'est que le besoin se fait jour d'unifier les principes du mouvement, qu'il soit naturel ou violent. Ce n'est tout d'abord qu'un mot, mais on constate qu'à partir de Nicolas de Cues (1401-1464) un trait caractéristique de la réalité que ce mot veut représenter est accepté par tous les auteurs : l'impetus n'a qu'une existence éphémère. Qu'il précède immédiatement le mouvement dont il est le moteur (cas du mouvement violent) ou qu'il naisse dans le mouvement même (cas du mouvement naturel), il s'épuise en agissant.

Ce début d'unification des principes du mouvement entraîne une nécessité nouvelle, celle de rendre compte de l'état médian des mouvements qui commencent par la violence et se terminent de manière naturelle.

Léonard de Vinci (1452-1519) en est un témoin. Reprenant après d'autres l'explication de jeux comme ceux du « globe » (quilles à atteindre avec un hémisphère évidé en guise de boule) et des toupies, son propos manifeste que la répugnance à admettre une mixtion des impetus naturel et violent est en voie d'être dépassée. Mais il manifeste aussi que cette mixtion est conçue comme un conflit et non pas comme une véritable composition. Léonard comprend la limite de portée du jet vertical parce que la lutte entre les impetus dans la même direction se traduit en termes simples d'inégalité décroissante. Il comprend le mouvement de la toupie selon un schéma de lutte analogue grâce à la transposition de l'impetus violent de la rotation en une action axiale. Il se contente de dire que le jet oblique se termine par une chute verticale parce que le mouvement devient purement naturel lorsque l'impetus violent est complètement épuisé, et il ne dit rien de la phase intermédiaire entre la prédominance du violent et celle du naturel, entre le lancer et la chute.

Cette discrétion a l'avantage pour l'histoire de situer très exactement la difficulté rencontrée dans leur progrès par les conceptions[...]

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études

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Galilée, J.Sustermans - crédits : Universal History Archive/ Getty Images

Galilée, J.Sustermans

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