MÉCANIQUE Histoire de la mécanique
De Galilée à Newton
Dans l'histoire de la mécanique, c'est incontestablement le grand ouvrage de Galilée, Discours et démonstrations mathématiques concernant deux sciences nouvelles (Discorsi e dimostrazioni matematiche intorno a due nuove scienze attenanti alla meccanica ed i movimenti locali, Leyde, 1638), qui ouvre une ère elle aussi nouvelle.
Si le titre même mentionne une dualité, on se tromperait en l'interprétant par rapport à celle qui s'imposait jusque-là et qui a motivé les deux chapitres précédents. La première des sciences nouvelles que Galilée veut aborder est bien, radicalement, nouvelle ; c'est la résistance des matériaux. Loin de s'identifier avec la statique, elle part de l'ensemble des « méchaniques » unifié autour du levier par la notion de moment, domaine déjà vaste, et elle vise son perfectionnement en fonction d'une observation que l'auteur fait remonter à sa fréquentation des arsenaux de Venise : la similitude géométrique entre deux constructions ou deux machines n'entraîne nullement leur similitude mécanique. À cette prise de conscience remarquable qui rend a priori suspecte la méthode des modèles réduits il s'agit cependant d'adjoindre les moyens que la réflexion sur la structure de la matière et sur sa résistance permet de mathématiser. La problématique dépasse tellement son temps qu'elle ne sera pas perçue et les résultats sont trop schématiques pour être satisfaisants. De cette première science, les lecteurs retiendront surtout l'extraordinaire emboîtement des problèmes mathématiques et physiques auquel elle donne lieu, la magnifique analyse de l'infiniment petit, et avec Descartes ils s'étonneront de cette « colle » qu'il faut ajouter au vide « pour rendre compte de la cohésion » des corps.
C'est donc la deuxième des sciences nouvelles, moins prophétique, qui fait le véritable succès de l'ouvrage. Elle concerne le mouvement des corps pesants et l'organise en un corps de doctrine de manière admirable.
Pour la première fois, le matériel mental nécessaire à l'étude du mouvement est l'objet d'un examen préalable et des définitions précises permettent de savoir ce qu'il faut entendre par mouvement uniforme et par mouvement uniformément accéléré. Il ne s'agit encore que de mouvements rectilignes, mais la notion de vitesse émerge de l'informe qualitatif où elle était jusque-là enfermée et c'est une grande nouveauté que cette démarche qui consiste à n'aborder le problème physique du mouvement des corps pesants qu'après avoir ébauché un outil mathématique adéquat.
Sans doute l'effort d'abstraction nécessaire à l'élaboration des principes est limité puisque Galilée ne parvient pas à concevoir un corps physique sans sa pesanteur et la distinction des points de vue cinématique et dynamique n'est pas nette. Mais la série de propositions que l'auteur tire de la méditation et de la critique du passé est d'une grande richesse. Il est nécessaire d'en exprimer l'essentiel.
Tous les corps ont le même mouvement de chute et les différences observées ne tiennent qu'à la résistance de l'air. Ce mouvement commun à tous les corps est uniformément accéléré et quelle que soit la nature de la pesanteur son action se manifeste par une accélération constante. La chute oblique sur un plan incliné possède les mêmes propriétés mais son accélération diminue avec l'inclinaison. Sur un plan horizontal, le mouvement est uniforme. Lorsque le mobile arrive au bord de ce plan horizontal, son mouvement uniforme se compose avec celui de la chute et donne une trajectoire parabolique. L'accélération sur le plan incliné se relie à celle de la chute verticale par la condition que la vitesse acquise à partir du repos est la même dans l'un et l'autre[...]
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Écrit par
- Pierre COSTABEL : directeur d'études à l'École pratique des hautes études
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