MÉCANIQUE Histoire de la mécanique
La mécanique classique
On peut appeler classique la mécanique issue des grandes œuvres ci-dessus évoquées. C'est elle qui jusqu'à une époque toute récente faisait le fond de l'enseignement. Telle qu'elle s'enseignait cependant, elle résultait encore d'une maturation étendue sur l'ensemble du xviiie et du xixe siècle.
Il serait chimérique de vouloir rendre compte de cette maturation d'une manière à la fois brève et exhaustive : elle est liée étroitement au progrès des mathématiques, puis à celui de toutes les sciences physiques, et une part très importante de son histoire appartient aux interactions devenues fréquentes entre théorie et technique. L'histoire à grands traits doit choisir plus encore que précédemment, pour un schéma compréhensif.
Quelques noms en fixent l'essentiel. En premier lieu celui de D' Alembert (1717-1783). Auteur d'un Traité de dynamique original (1743), ce fut aussi le directeur des articles scientifiques de l'Encyclopédieet il exerça à ce titre une influence considérable au-delà du public savant spécialisé ; d'Alembert a assisté aux débats provoqués par la diffusion du système de Newton et par l'attraction universelle, cette action à distance qui supplante l'action de contact et prétend néanmoins au réalisme. Sa conviction s'est faite qu'à vouloir privilégier telle conception de la force en fonction de la qualification de réalisme, on s'engage dans des querelles de mots. L' analyse mathématique situe la querelle à un autre niveau : entre les formes différentielles et les formes intégrales des équations fondamentales du mouvement, quelles sont celles qu'il vaut mieux choisir pour base ? D'Alembert opte résolument pour les premières parce qu'elles lui paraissent les plus aptes à remplir un programme logique de grande importance. Le mouvement est le seul phénomène visible tandis que la « causalité motrice » reste une abstraction ; la véritable science du mouvement doit bannir la considération d'entités obscures et métaphysiques, et la force doit rester une notion dérivée, un rouage intermédiaire ; c'est à cette condition que la mécanique partant du mouvement pour y revenir sera constituée homogène à son objet avec le minimum d'axiomes de base.
Dans la ligne de ce programme difficile et ambitieux, l'auteur commet quelques faux pas, notamment celui qui consiste à méconnaître l'importance de la notion de masse et à mettre l'essentiel de la force dans l'accélération, mais il a le singulier mérite de dégager un principe auquel son nom restera attaché. À savoir qu'à l'échelle différentielle les relations entre les forces dans un système matériel ont toujours la même forme compensatrice, et que par conséquent dynamique et statique répondent à un même formalisme.
La mise en œuvre de ce principe demeure cependant délicate. D'Alembert ne l'illustrera guère que par l'oscillation des corps pesants et la rotation des corps autour de leur centre de gravité. C'est à Lagrange (1736-1813) que revient l'honneur d'avoir achevé la prise de possession mathématique d'une idée féconde.
Le nœud de cet achèvement n'appartient pas à la mécanique, mais au progrès de la géométrie différentielle. Dans un système matériel, les liaisons géométriques se traduisent par des équations entre déplacements infiniment petits qui ont la même forme que l'équation élémentaire d'équilibre du levier. Dès lors le passage entre loi d'équilibre en général et loi différentielle est établi, et la mécanique peut être présentée comme une branche de l'analyse mathématique.
Ces quelques mots suffisent pour faire comprendre la voie sur laquelle la Mécanique analytique de Lagrange engageait la science théorique.[...]
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Écrit par
- Pierre COSTABEL : directeur d'études à l'École pratique des hautes études
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