STATISTIQUE MÉCANIQUE
Transitions de phase
Une même substance peut exister dans des états d'équilibre qualitativement différents ; par exemple, elle peut être solide, ou liquide, ou gazeuse. Chacun de ces états est une phase différente ; le passage d'un état à l'autre est une transition de phase. On a mentionné plus haut un autre exemple : le passage de l'hélium liquide de l'état normal à l'état superfluide.
Dans certains cas, la structure change de façon discontinue à la transition. C'est par exemple ce qui se passe lors de la fusion : la densité augmente brusquement lorsque la glace fond en eau. La transition est alors dite du premier ordre. Dans d'autres cas, c'est seulement une dérivée qui est discontinue, alors qu'un paramètre d'ordre caractérisant la structure est continu. Par exemple, lorsqu'on augmente la température T d'une substance ferromagnétique, son aimantation M diminue et s'annule sans discontinuité au point critique caractérisé par une température Tc (mais dM/dT passe brusquement d'une valeur finie à une valeur nulle). La transition est alors dite du second ordre.
L'une des tâches de la mécanique statistique est d'expliquer ces phénomènes. Il s'agit d'un problème théorique difficile : rendre compte de discontinuités, alors que la fonction de partition Z définie en (12) est, pour un système fini, une fonction régulière des paramètres tels que la température T. En fait, le comportement discontinu n'apparaît que dans le cas limite d'un système infini (ce qui est pratiquement le cas lorsqu'on a affaire à 1023 atomes !). Depuis plus d'un siècle, à partir des travaux de Johanne Van der Waals, Pierre Weiss, Lev Landau, il s'est développé une classe de théories dites de champ moyen, qui rendent compte qualitativement des phénomènes observés mais sont en échec pour décrire ce qui se passe au voisinage immédiat d'un point critique ; il y a alors des fluctuations importantes dans la structure du système considéré (par exemple, l'aimantation d'une substance ferromagnétique fluctue dans l'espace et le temps lorsque la température approche sa valeur critique), et ces fluctuations, qui sont un phénomène essentiel, sont négligées dans les théories de champ moyen. L'insuffisance des théories de champ moyen se manifeste par leur impuissance à rendre compte quantitativement des exposants critiques qui caractérisent le comportement d'un système au voisinage d'un point critique. Par exemple, lorsque la température T est légèrement inférieure à la température critique Tc, l'aimantation du fer se comporte comme (Tc − T)β où β ≈ 0,33 ; cet exposant β est un exposant critique.
Un progrès spectaculaire de la mécanique statistique après 1970 a été la construction d'une théorie des phénomènes critiques, à la suite des travaux de K. Wilson. La théorie de Wilson s'est développée à partir du concept d'invariance d'échelle introduit par L. Kadanoff : il n'y a pas d'échelle de longueur caractéristique pour les fluctuations critiques, qui ont le même aspect à toutes les longueurs d'onde (dès qu'on considère des longueurs grandes devant les dimensions atomiques). En termes mathématiques, l'invariance d'échelle est une invariance par un groupe appelé le groupe de renormalisation. À partir de ces concepts, on rend compte des phénomènes critiques, on explique les valeurs numériques des exposants critiques et leur universalité : on peut regrouper les systèmes étudiés en classes, et des systèmes très différents ont les mêmes exposants critiques dès lors qu'ils appartiennent à la même classe.
Les théories modernes des changements de phase et des particules élémentaires ont beaucoup de points communs, ce qui a rapproché deux[...]
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Écrit par
- Berni J. ALDER : Professeur à l'université de Californie.
- Bernard JANCOVICI : Professeur à l'université de Paris-XI, Orsay.
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