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MÉCANISME, philosophie

La doctrine mécaniste

De la notion de Cosmos à celle d'Univers

Le mécanisme n'est pas né seulement de la volonté de mieux expliquer les phénomènes que l'homme découvre dans son expérience quotidienne sur la Terre ; il est lié assez étroitement aux découvertes qui ont été faites dans le ciel, aux bouleversements qu'a connus l'astronomie. L'un de ses postulats est que la physique céleste est la même que la physique terrestre. Il est aujourd'hui difficile de concevoir tout ce que cette idée pouvait avoir de radicalement neuf, de révolutionnaire. Elle exprime « la substitution à la notion de Cosmos – unité fermée d'un ordre hiérarchique – de celle de l'Univers : ensemble ouvert lié par l'unité de ses lois » (A. Koyré). Est évacuée la représentation de corps célestes immuables et incorruptibles que toutes les cosmologies antiques et médiévales, à quelques rares exceptions près, ont tenue pour une vérité première. Surtout, l'idée d'une hiérarchie des essences est remplacée par celle d'une matière homogène et la conception d'une causalité physique, d'être individuel à être individuel, par celle d'une nécessité rationnelle exprimée dans un système conceptuel de lois. L'astrologie, qui au xvie siècle avait retrouvé un regain de faveur, et la magie naturelle, qui était tenue à la Renaissance pour un savoir positif, ont été totalement disqualifiées dans l'univers mécaniste. Mais une physique construite sur la notion aristotélicienne de causalité ne pouvait pas non plus y avoir cours. Le Cosmos, cette hiérarchie ontologique close, a disparu au moment de la « révolution mécaniste », au profit d'un monde indéfiniment ouvert et régi partout par les mêmes lois.

Les lois de la Nature

« Sçachez donc premièrement, écrit Descartes dans Le Monde, que par la Nature je n'entens point icy quelque Déesse, ou quelque autre sorte de puissance imaginaire ; mais je me sers de ce mot, pour signifier la Matiere mesme en tant que je la considere avec toutes les qualitez que je luy ai attribuées, comprises toutes ensembles, & sous cette condition que Dieu continuë de la conserver en la mesme façon qu'il l'a créée. Car de cela seul qu'il continuë ainsi de la conserver, il suit de nécessité, qu'il doit y avoir plusieurs changements en ses parties, lesquels ne pouvant, ce me semble, estre proprement attribuez à l'action de Dieu, parce qu'elle ne change point, je les attribue à la Nature ; & les règles suivant lesquelles se font ces changements, je les nomme Loix de la Nature. » Dans la suite de son traité, puis plus tard dans les Principes, Descartes formule ces lois. Elles sont fondées pour lui sur le principe métaphysique de la conservation par Dieu de sa création, et particulièrement de la quantité de mouvement. De là vient que, au nombre de trois, elles sont dominées par le principe d'inertie, dont les deux premières lois, si l'on suit l'ordre du texte des Principes, donnent un énoncé exact. La troisième, très tôt démentie par les travaux de Christiaan Huygens sur le choc, est la loi de la « rencontre des corps ». La loi suprême de l'univers cartésien est donc une loi de la « persistance » (A. Koyré). Dans la nature, « aucune chose ne change que par la rencontre des autres » (Principes, IIe part., art. 37). Aucune ne peut d'elle-même modifier sa figure, aucune surtout ne peut commencer de se mouvoir elle-même si elle est en repos, aucune cesser de se mouvoir si elle est en mouvement, la notion de mouvement étant alors réduite, ainsi que Descartes l'indique lui-même, à ce que les philosophes appellent le mouvement local.

Les lois de la Nature définies ainsi par Descartes ne sont donc pas autre chose que les règles qui régissent dans un espace homogène, tel que le conçoivent[...]

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  • : docteur en philosophie, docteur ès lettres et sciences humaines, chargé de recherche au C.N.R.S.

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