MÉCÉNAT
Le terme de mécénat vient du nom de Gaius Maecenas, qui fut conseiller d'Auguste et protecteur des belles-lettres ; sa signification s'est élargie, à l'époque moderne, jusqu'à désigner toute forme de protection des arts et des activités relevant du talent. Est mécène quiconque, sans exercer lui-même d'activité artistique, contribue à promouvoir la pratique de l' artiste. Derrière toute œuvre, ou presque, se manifeste la présence de quelqu'un qui commande et achète, et qui en estime la valeur, au point qu'il est permis de voir dans l'art, aux époques de culture les plus évoluées, le résultat de la rencontre entre le mécène et l'artiste, le premier ne pouvant rien sans le second, et le second ayant besoin du premier pour donner corps à ses intentions artistiques. Le mécène, acheteur et collectionneur, exerce toujours un choix, une action critique implicite, et il s'érige ainsi en arbitre du goût, dont les idées influencent de façon décisive les caractères mêmes de la production artistique. Son action est déterminante, même si lui fait défaut le sens de l'autonomie esthétique. Par ailleurs, dans le courant du xxe siècle, et en relation avec le développement des pratiques culturelles, on a vu se développer un nouveau type de mécénat, dont les acteurs peuvent être aussi bien des individus ou des entreprises que l'État.
Les premières collections
Les plus anciens mécènes connus furent les souverains et les prêtres, qui se servirent de l'art pour créer les symboles du pouvoir et du culte. En Égypte, les pharaons menèrent une politique de construction et de création artistique qui s'inscrivait dans une vision rigoureuse du pouvoir. En Grèce, les tyrans éclairés (Polycrate de Samos, Hiéron de Syracuse, Périclès) favorisèrent non pas tant les artistes, considérés comme des artisans anonymes, que l'art lui-même, perçu comme le moyen d'exprimer les signes de leur souveraineté et de leur grandeur. Les premières collections d'objets précieux se constituèrent dans les temples, dans les sanctuaires (on appelait « trésors » les ex-voto accumulés dans les sanctuaires grecs d'Éphèse, de Delphes, d'Olympie), dans les tombeaux et les palais des souverains. De véritables collections durent être rassemblées à Athènes au Lycée, à l'Odéon, à l'Aréopage et au Parthénon.
Pendant la période hellénistique, l'art profane et le goût des antiquités se développèrent d'un même mouvement. Alexandre le Grand fut un des plus grands mécènes de l'Antiquité. Et ce fut un mécénat particulièrement mémorable que celui de Ptolémée, qui créa à Alexandrie la Bibliothèque et le Mouseion, sorte d'université où les érudits venaient étudier aux frais du souverain.
Pour la valeur symbolique qu'elles représentent, les œuvres d'art s'offrent, de façon privilégiée, comme objets de butin, trophées de victoire. Au iiie siècle avant J.-C., les chefs de guerre romains rapportaient à Rome les œuvres d'art enlevées à l'ennemi comme prises de guerre. Marcellus, Sylla, Lucullus rassemblèrent de semblables trophées dans les lieux publics et dans leurs propres demeures, et ce fut bientôt la mode, parmi les riches, de se constituer une bibliothèque, une pinacothèque (terme utilisé chez Vitruve), une collection de statues et de bronzes. Le goût des Romains pour les collections est soumis aux critères du plaisir, du snobisme et de la thésaurisation ; le mécénat proprement dit concerne plutôt les poètes et les écrivains que les artistes, toujours tenus pour des artisans. C'est donc à Rome que se forme le système caractéristique du marché artistique : ventes aux enchères, fabrication de faux, sens historique et critique, et valeurs arbitraires telles que la patine ou la série complète. L'engouement[...]
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Écrit par
- Nathalie HEINICH : sociologue, directeur de recherche au C.N.R.S.
- Luigi SALERNO : directeur de la Calcographie nationale, Rome
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