MÉCÉNAT
Le mécénat des princes
Sommairement parlant, la passion des humanistes pour les collections se traduit, entre les xive et xve siècles, d'abord par une période dominée par l'histoire et l'érudition, puis, particulièrement dans la seconde moitié du xve siècle, par une période imprégnée d'esthétique et d'hédonisme. Les Rucellai, les Strozzi, les Quaratesi, les Médicis sont les plus riches mécènes de la Florence du Quattrocento. Cosme de Médicis est déjà un connaisseur, un ami des artistes, même si son mécénat se ressent encore des traditions communales. Laurent, lui, personnifie vraiment l'époque des seigneuries ; il est, exemplairement, le mécène arbitre du goût. Tandis que la collection des antiquités se développe maintenant dans un style nouveau, la pratique qui domine est celle de la commande passée à des artistes qui travaillent sous contrat et sont payés au forfait ou sous forme de salaires ; et il est tenu compte de la quantité de travail demandée, du nombre des collaborateurs et du coût des matériaux.
Le caractère encyclopédique des activités du prince se reflète dans les palais des nombreuses seigneuries italiennes : des Gonzague à Mantoue, des Montefeltro à Urbino, des Este à Ferrare, des Visconti à Milan. Rassemblant autour d'eux des artistes différents, les mécènes créent, dans chaque cour, un climat culturel original. À Rome, les cardinaux et les grandes familles fondent des académies littéraires et assemblent d'importantes collections dans les musées-jardins et dans les palais. Le Courtisan de Balthazar de Castiglione illustre bien ce qu'est maintenant le devoir du souverain : connaître l'art antique et promouvoir l'art moderne, et s'intéresser à tous les aspects possibles de l'activité intellectuelle. Certains mécènes continuent encore de tenir l'artiste pour un simple exécutant mécanique, véhicule de leurs propres idées. Mais aux environs de 1500, avec Léonard, Raphaël et Michel Ange, les artistes réussissent à affirmer la valeur spécifique de leur activité comme art libéral. Ce n'est plus le travail mécanique que le mécène cherche maintenant à rétribuer, mais le génie irremplaçable de l'artiste. Et ce dernier finit par occuper une position supérieure à celle du mécène lui-même, et à la défendre en s'affirmant comme seul véritable sujet de l'expérience artistique.
Le modèle italien et romain exerce une action stimulatrice sur le mécénat des empereurs et des rois : François Ier, Maximilien et Charles Quint, qui délèguent dans la Péninsule leurs agents et leurs spécialistes d'antiquités, et invitent à leur cour les artistes italiens. Du vivant même de Michel-Ange, on considérait que son génie avait quelque chose de divin, et Charles Quint se baissa pour ramasser le pinceau de Titien !
Vers le milieu du xvie siècle apparaît, avec Giorgio Vasari, une des figures dominantes de l'histoire du mécénat. C'est lui qui fonde la première académie de dessin à Florence et qui constitue la première collection de dessins ; c'est à lui que l'on doit la construction des Offices, le premier bâtiment destiné à abriter une galerie d'art. Tandis que s'impose la nouvelle historiographie artistique qui consacre la renommée des grands maîtres du début du siècle, le goût se répand de collectionner, à côté des œuvres de l'Antiquité, les œuvres d'art moderne – mais non celles de l'art contemporain. Une hiérarchie entre génies et épigones s'établit ; et, pendant encore deux ou trois siècles, les collectionneurs, se distinguant des acheteurs, gardent les yeux tournés vers l'art du passé.
Le personnage du « vertueux », tel qu'il se trouve, par exemple, illustré par Borghini, est typique du xvie siècle : c'est l'homme qui cultive les différentes « vertus[...]
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Écrit par
- Nathalie HEINICH : sociologue, directeur de recherche au C.N.R.S.
- Luigi SALERNO : directeur de la Calcographie nationale, Rome
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