MÉCÉNAT
Le mécénat des souverains
Au xviie siècle, l'art et la science se constituent en deux mondes distincts, ce qui ne manque pas de se refléter dans la structure des musées. Le musée scientifique devient un musée spécialisé : il suffit de citer, à ce sujet, le musée Settala de Milan, le musée d'Athanase Kircher à Rome, puis, de création plus tardive, les musées d'Elias Ashmole, du Dr. Mead et du Dr. Hans Sloane. Ce dernier formera, en 1753, le premier noyau du British Museum. Pour la France, on ne saurait oublier la collection de Buffon, qui sera à l'origine du Muséum d'histoire naturelle de Paris.
Le musée d'art, réciproquement, se voit régi de façon croissante par des critères uniquement esthétiques. Quittant le domaine scientifique, il se définit dans sa sphère propre, autonome, non plus comme dessin ou technique, mais comme « poésie muette ». Parallèlement, au « vertueux » du xvie siècle et à l'« artiste critique » succède le personnage de l'amateur « dilettante » professant des convictions esthétiques précises. Scipion Borghèse, le cardinal Del Monte, Maffeo Barberini (le futur Urbain VIII), le marquis Giustiniani découvrent de jeunes génies et les soutiennent. Jules Mancini, le médecin d'Urbain VIII, aborde vers 1620 presque tous les problèmes ressortissant au domaine des collections. Les papes restent fidèles à la tradition et traitent l'art comme un moyen de rehausser le prestige de la capitale du monde catholique. Le jour même où il fut élu pape, Urbain VIII convoqua Bernin et lui dit : « C'est une grande chance pour vous, ô Cavalier, que de voir le cardinal Maffeo Barberini devenir pape ; mais c'est une très grande chance pour nous que d'avoir le cavalier Bernin vivant sous notre pontificat. »
Les grands monarques, Charles Ier d'Angleterre, Philippe IV d'Espagne, Louis XIV en France, rivalisent avec Rome. Le Roi-Soleil fonde en 1666 l'Académie de France à Rome et obtient d'Alexandre VII qu'il autorise Bernin à se rendre à Paris. Sous le gouvernement de Colbert, toute la production artistique est organisée dans une perspective politique, et la direction du goût est confiée à Charles Le Brun. Les manufactures royales sont créées. Ce fut la première dictature véritable dans le domaine de l'art, organisée en fonction des directives monarchiques.
Tandis que les familles patriciennes s'essayent à égaler le mécénat des souverains, on voit apparaître les premiers grands catalogues imprimés ; en même temps, à Rome comme ailleurs, se manifestent les premiers amateurs bourgeois, de Cassiano Del Pozzo à Giulio Mancini et à Giovanni Bellori ; les marchands se font plus nombreux, les genres et les tableaux de chevalet se multiplient. Les peintres ne manquent pas qui, comme Nicolas Poussin et Salvator Rosa, préfèrent se passer des grosses commandes officielles et travailler pour les particuliers. Rosa n'hésite pas à critiquer ouvertement les mécènes et à revendiquer la liberté du génie artistique.
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Écrit par
- Nathalie HEINICH : sociologue, directeur de recherche au C.N.R.S.
- Luigi SALERNO : directeur de la Calcographie nationale, Rome
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