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MÉCÉNAT

Le déclin du grand mécénat

Le xviiie siècle voit décliner le grand mécénat et s'affirmer l'influence des « curieux », qui suivent et provoquent la mode et privilégient un art de société, et des philosophes, érudits, spécialistes et connaisseurs. Le rococo fut à l'origine un art révolutionnaire qui répondait aux besoins d'une instance sociale nouvelle et à un goût étranger à celui de la cour officielle. Il représentait la victoire des modernes, alors que s'imposait toujours le mythe des grands maîtres antiques. Seuls les despotes éclairés de Pologne, de Prusse, de Saxe pratiquent un mécénat calqué sur le modèle de Rome et de Versailles. Amateurs et dilettantes aiment l'art moderne pour ses qualités esthétiques ; et, pour la première fois, artistes, critiques et acquéreurs se trouvent sur un terrain commun. Il faut citer, à titre de repères, les noms de Pierre Crozat, de Pierre Mariette. En Angleterre, l'activité de l'amateur se développe également dans l'optique bourgeoise et devient partie intégrante de la personnalité du gentleman. Parmi les mécènes connus, on retiendra lord Burlington, qui travailla avec William Kent et Joshua Reynolds, et obtint du mécénat royal la fondation tardive de l'académie dont l'objectif était de susciter la formation d'une école anglaise de peinture.

Académies, instituts et musées se voient appelés, dès lors, à un grand développement. Les musées de Florence, de Dresde, de Cassel deviennent musées nationaux et publics. La Révolution française reconnaît le principe de l'intérêt public des collections et, en 1793, le Louvre est institué musée de la République. Les œuvres d'art réclamées par Napoléon en paiement des dommages de guerre servent à constituer le musée central des Arts, dénommé ensuite musée Napoléon. Avec la Restauration, la fondation de musées publics, considérés comme des temples de la culture voués à l'éducation, est un phénomène qui se répand à travers tous les pays européens.

Tandis que le goût des collections se voit, dès lors, conditionné par l'existence des musées, qui tendent à absorber les collections privées, le mécénat proprement dit devient désormais, du fait de la crise de la vieille aristocratie, une prérogative des gouvernements et des organismes publics – qui agissent généralement dans une perspective conservatrice. La société nouvelle issue de la révolution industrielle ne considère pas l'art comme une chose nécessaire. En même temps que se dessine la tendance à une production industrielle des objets d'art et que se fait jour la polémique sur les arts and crafts, la rupture entre artiste et mécène apparaît d'une extrême gravité ; elle s'exprime parfaitement dans cette formule de Courbet : « Je méprise les mécènes. » Les artistes s'engagent dans les voies de l'évasion, de la bohème, de la polémique. Ils sont les refusés des expositions officielles. Et c'est seulement après 1870 qu'ils voient venir à eux un nouveau type de mécène, le marchand intelligent, qui comprend et soutient l'artiste et n'hésite pas, pour le lancer, à prendre ses risques ; ainsi entre dans l'histoire du mécénat la génération des Paul Durand-Ruel et des Ambroise Vollard.

Le moment vient enfin, après la Première Guerre mondiale, où le public commence à s'intéresser à l'art contemporain. Les grands collectionneurs, notamment les collectionneurs américains, qui ont constitué d'importantes collections d'art antique ou moderne, sont les nouveaux mécènes ; ils font don, ultérieurement, de leur collection à l'État – ce qui entraîne la fondation de musées publics. Outre le patronage de l'État, l'art bénéficie de la protection des entreprises, qui n'ignorent pas le rôle important joué par les élaborations artistiques dans l'évolution du goût et,[...]

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<it>Frédéric de Montefeltre, duc d'Urbin, et son fils Guidobaldo</it>, P. Berruguete - crédits :  Bridgeman Images

Frédéric de Montefeltre, duc d'Urbin, et son fils Guidobaldo, P. Berruguete

<it>La Fuite en Égypte</it>, N. Poussin - crédits : Francois Guillot/ AFP

La Fuite en Égypte, N. Poussin

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