MÉCÉNAT
Le mécénat culturel à l'époque moderne
Aux termes de la loi de 2003, le mécénat se définit comme un « soutien matériel apporté sans contrepartie directe de la part du bénéficiaire, à une œuvre ou à une personne pour l'exercice d'activités présentant un intérêt général ». Il a pris dans l'histoire diverses formes, dont certaines sont à la limite de sa définition actuelle. Avant le xxe siècle, le mécénat des particuliers touchait surtout les établissements religieux, les hôpitaux, les sociétés savantes, s'apparentant ainsi plutôt aux pratiques de charité, mais à grande échelle. Dans le courant du xxe siècle s'est développé le mécénat des entreprises à vocation culturelle, ainsi que ce que les Anglo-Saxons nomment le sponsoring, traduit en français par « parrainage ».
La différence entre mécénat et parrainage ne tient pas tant au type d'activité aidée (même si le parrainage est plus fréquent en matière sportive) qu'au lien entre celle-ci et l'activité du donateur : le parrainage vise à faire parler des produits de l'entreprise, voire à « faire vendre », tandis que le mécénat cherche plutôt à « faire valoir » l'image de l'entreprise, à faire parler d'elle en parlant d'autre chose que d'elle-même. En d'autres termes, le parrainage est l'une des formes possibles de la communication d'entreprise, tandis que le mécénat peut se satisfaire, à la limite, d'une quasi-invisibilité de son action. Quoiqu'elle ne soit pas toujours facile à faire comprendre, y compris pour les intéressés, cette distinction entre mécénat et communication implique une structure tout à fait spécifique de l'action de mécénat : celle-ci en effet, quoique apparemment binaire, entre le donateur et le donataire, exige pour fonctionner un tiers, qui exerce la fonction de faiseur de réputation – par exemple, un journaliste. Comme le résume la sociologue Sabine Rozier, « le mécénat est une affaire de captation de l'intérêt des faiseurs d'opinion ».
Les activités intéressant le mécénat peuvent donc relever de diverses catégories : humanitaire, sportive, environnementale, artistique. Mais c'est surtout à cette dernière qu'il est le plus anciennement et le plus souvent associé ; et c'est sous cet angle que nous l'envisagerons ici, en nous intéressant au mécénat culturel de la modernité.
Nécessités du mécénat
Depuis l'Antiquité, et en particulier à partir de la Renaissance, des mécènes ont aidé des artistes. À l'époque, cette libéralité était liée au fait que la production d'images était considérée comme une activité de luxe, à la fois onéreuse, par le temps exigé et le coût des matériaux, et prestigieuse, pour le possesseur des œuvres : d'où la nécessité, pour faire vivre les artistes les plus prisés, de leur assurer des revenus en sus de la vente directe ou de la commande. Aujourd'hui, la manne des commandes publiques, des subventions ou des actions de mécénat touche un beaucoup plus grand nombre d'artistes, considérés comme étant au service non plus de leurs donateurs, mais de l'art lui-même, valeur suprême qui justifie ces dépenses sans rentabilité économique mesurable.
En effet, dans sa définition actuelle, issue de l'époque romantique, l'art est une activité « vocationnelle », considérée comme relevant non pas de la recherche de biens matériels à court terme, mais de la nécessité de créer ou de s'exprimer : une « nécessité intérieure », selon le mot célèbre de Kandinsky, suffisamment impérieuse pour que l'intéressé y subordonne toute autre considération et, notamment, la richesse, le pouvoir, la position dans le monde. Dans ces conditions, la sanction immédiate de son activité par le marché est une éventualité sinon improbable, du moins aléatoire, et[...]
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Écrit par
- Nathalie HEINICH : sociologue, directeur de recherche au C.N.R.S.
- Luigi SALERNO : directeur de la Calcographie nationale, Rome
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