MECHTHILD VON MAGDEBURG (1207 env.-1282)
Nous savons peu de choses sur la vie de Mechthild von Magdeburg. Grâce à quelques remarques disséminées dans son œuvre, on pense qu'elle a dû naître vers 1207. Elle appartient à une noble famille de la Marche et reçoit une éducation courtoise. À l'âge de douze ans, elle a sa première vision. Vers 1230, elle quitte ses parents et se réfugie au béguinage de Magdebourg pour y mener une vie ascétique. Souvent malade, elle a de nombreuses visions et, vers 1250, à la demande d'Henri de Halle, son directeur de conscience, elle commence à rédiger son témoignage intitulé Ein Fliessendes Licht der Gottheit (Une lumière émanant de la Divinité). Des critiques, des menaces, sans doute des décisions du synode dominicain de 1261, la maladie enfin poussent Mechthild à retourner chez ses parents de temps en temps. Vers 1270, elle entre au couvent de Helfta (Helpede), de règle cistercienne, dont l'abbesse est Gertrud von Hackeborn. Helfta devient le centre de la littérature mystique. Là, Mechthild achève son œuvre et meurt vers 1282.
D'abord rédigé en allemand, l'ouvrage de Mechthild nous est parvenu dans une traduction en latin et dans une adaptation en haut-allemand de Henri de Nördlingen (1343-1345). Il célèbre, en des termes souvent empruntés à la poésie courtoise, le mystère de l'union de l'âme et du Christ, de la fiancée et du fiancé du Cantique des cantiques. Il a été rédigé en trois mouvements : entre 1250 et 1259, Mechthild écrit les livres I à V ; puis, de 1260 à 1270 ou 1271, le VIe livre ; et enfin, de 1271 à 1282, le VIIe et dernier livre. Elle utilise une langue poétique et métaphorique, et l'intensité du discours spirituel, des révélations, l'amène à forger un outil linguistique riche en néologismes et en termes abstraits. Mechthild ignorait le latin et la théologie. Elle semble tirer ses connaissances de la mystique néerlandaise. Néanmoins, quelques questions subtiles apparaissent dans son œuvre : la libération de l'âme de toute chose (I, 35), la découverte que Dieu est tout en tout (II, 19), des spéculations trinitaires (II, 3 passim), la création de l'âme (I, 22), l'Être de Dieu avant la Création (VI, 31), le rapport de l'âme et du corps pendant l'extase, etc. L'intention didactique se transforme parfois en critique contre les béguines (III, 15), les nonnes (V, 24), le chapitre (VI, 3) et même l'Église (V, 34) et le pape (VI, 21). Les visions de Mechthild, en droite ligne de celles de sainte Hildegard von Bingen, ont un caractère cosmique et eschatologique prononcé. Elles concernent la Genèse (III, 9 ; VI, 31), le Ciel (III, 1 ; IV, 24), l'incarnation et l'enfance du Christ (V, 23), le Paradis (VII, 57), l'Enfer (III, 21), le Purgatoire (II, 8 passim) et la fête de la Trinité après le Jugement dernier (VII, 37). Des dialogues, des prières et des allusions à la vie spirituelle quotidienne font vivre son ouvrage. Derrière la métaphore de l'eau qui coule et se répand, liée à la théorie de l'émanation due au pseudo-Denys l'Aréopagite, se profilent celle, néo-platonicienne, de la lumière et des représentations judéo-chrétiennes de la divinité comme fontaine, source, clarté et feu. Pour tenter d'exprimer l'indicible, l'unio mystica, la rencontre et la révélation du divin, Mechthild use d'un art qui annonce déjà celui de Suso, Tauler et maître Eckhart ; en ce sens, son œuvre occupe une place importante, non seulement au sein des écrits mystiques, mais aussi dans la littérature allemande.
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Écrit par
- Claude LECOUTEUX : professeur de langues et littératures allemandes et germaniques à l'université de Caen
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