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ROSSO MEDARDO (1858-1928)

Sculpteur italien, né à Turin. En 1918, un an après la mort de Rodin, Guillaume Apollinaire écrivait qu'il voyait en Medardo Rosso « [...] sans aucun doute le plus grand sculpteur vivant [...] ». L'hommage était probablement hyperbolique, mais, dans les cercles attentifs au développement du modernisme, il traduisait le renom d'un sculpteur dont la production, bien que restreinte, fascina ses contemporains, artistes, poètes et collectionneurs d'avant-garde.

Gavroche, M. Rosso - crédits : N. Carrieri/ De Agostini/ Getty Images

Gavroche, M. Rosso

Rosso eut une carrière fort peu officielle qui se déroula en Italie et en France. Ses premières études académiques, faites avant 1880, furent rapidement estompées par l'attirance qu'il exprima pour des sujets humains observés de près et pour les effets de textures appuyés qui intéressaient alors les sculpteurs du vérisme italien. À ce moment, le portrait et la statuette apparaissent chez Rosso comme deux genres d'élection, mais une œuvre funéraire puissante, Le Dernier Baiser (1882, détruite), indique que Rosso ne rejetait pas pour autant le pathétique de l'art monumental. Les rapports personnels et artistiques qu'il entretint lors de ses débuts à Paris en 1884 avec les sculpteurs français, Dalou et particulièrement Rodin, sont probables mais non attestés. Une rivalité artistique s'ensuivit avec Rodin dans les années 1890 ; elle est encore difficile à apprécier, faute de documents, mais elle fut signalée par plusieurs témoins. Rosso évoquera longtemps la dette artistique qu'il pensait que Rodin avait contractée à son égard en adoptant ses propres effets de flou et de silhouettes. Rodin, bien que peu enclin à vanter l'art des autres sculpteurs, fera souvent l'éloge de l'art de Rosso.

Fréquemment rejeté par les jurys dans de grandes expositions italiennes à partir des années 1880, Rosso revint à Paris en 1889 et commença à être remarqué par des collectionneurs et des marchands avertis. À partir de cette date, sa production fut reconnue dans plusieurs expositions en Europe. Bien que des pièces importantes soient aujourd'hui perdues, l'œuvre de Rosso se réduit à un nombre restreint de sculptures de petites dimensions, figurines et groupes que Rosso a souvent répétés en cire, une matière dont il aimait la richesse de texture. Les sujets expriment une grande intensité d'émotion. Ils rappellent les thèmes contemporains et intimistes de la peinture impressionniste et symboliste : mères allaitant, têtes d'enfants riant ou malades, personnages surpris dans l'accomplissement d'actes familiers et quotidiens (Impression dans un omnibus, détruit), et des portraits : Henri Rouart (1890, bronze, galerie d'Art moderne, Rome), Yvette Guilbert (1894, terre cuite, musée d'Art moderne, Venise).

Dans la conception qu'il eut de la sculpture et dans son exécution, Rosso privilégia les matières malléables, la terre et la cire, leur faisant exprimer des effets marqués de flou, d'inachevé et de fondu que ses contemporains perçurent comme une application de l'impressionnisme à la sculpture. Il conçut ses figurines, ses groupes et ses portraits comme inachevés et portant les traces de la matière qui les a engendrés : Homme lisant (1894, bronze, musée d'Art moderne, New York), Conversation dans le jardin (1893, cire et plâtre, collection Mattioli, Milan). En cela, son art a opéré un changement radical dans la représentation de la figure humaine et de l'objet sculpté : leurs masses ne se lisent plus comme une construction achevée par addition de matière, mais comme la reconstitution d'un objet nouveau agrandi, indissociable de l'espace ambiant.

— Jacques de CASO

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université de Californie, Berkeley (États-Unis)

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Média

Gavroche, M. Rosso - crédits : N. Carrieri/ De Agostini/ Getty Images

Gavroche, M. Rosso