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MÉDECINE Histoire

Les débuts de la médecine scientifique : rationalisme médical

Les conflits philosophiques

Au cours des xviie et xviiie siècles, une fois encore, théories et systèmes freinèrent une évolution qui s'annonçait féconde. Emporté par sa victoire, le rationalisme s'efforça de simplifier la complexité biologique, quitte à trahir les faits et à faire appel à des entités imaginaires.

Parmi les doctrines matérialistes, le « mécanisme » (Descartes) réduisait la vie à des phénomènes cinétiques et dynamiques dans lesquels la matière n'intervenait que par le jeu de forces en mouvement. Il s'opposait à deux conceptions statiques, d'ailleurs contradictoires : celle de l'« humorisme », à peine rénové depuis l'Antiquité, et celle du « solidisme », qui attribuait les fonctions principales aux tissus et aux organes pleins ; il s'ensuivit un interminable conflit d'idées entre les « iatro-physiciens », et les « iatro-chimistes » ; les premiers réduisaient le corps humain à ses éléments « solides » et tendaient à expliquer la vie par un ensemble d'actions mécaniques bien réglées ; les seconds attribuaient une part prépondérante, sinon exclusive, aux « humeurs » et à des phénomènes chimiques plus ou moins complexes.

Les doctrines spiritualistes ne s'effacèrent pas pour autant et connurent même un regain de vigueur : l'« animisme » (G. E. Stahl) affirmait que l'âme préside à la vie physique du corps humain, tandis que les « vitalistes » (J. B. Van Helmont, Boissier de Sauvages, P. J. Barthez et l'école de Montpellier) invoquaient l'intervention d'un principe purement hypothétique, intermédiaire entre la matière et l'âme.

Ces doctrines furent reprises, sous des formes plus ou moins modifiées, au début du xixe siècle, tant ont été durables les constructions de l'esprit.

Naissance de la physiologie

Le raisonnement, affranchi des dogmes, a pourtant été un des principaux instruments de la recherche médicale scientifique au cours du xviie et du xviiie siècle : quelques personnalités clairvoyantes surent l'employer à bon escient. La Renaissance avait eu pour fruit la connaissance de l'anatomie ; par un enchaînement logique, les xviie et xviiie siècles ont vu naître la physiologie moderne.

Celle-ci est issue de la découverte fondamentale de la circulation sanguine, que quelques précurseurs comme Ibn an-Nafis (1210-1288) ou Michel Servet (1509-1553) n'avaient pu conduire à son terme. Le mérite d'en avoir apporté la démonstration revient à l'Anglais William Harvey (1578-1657) qui dut toutefois surmonter des oppositions véhémentes. Il fallut attendre près de cent cinquante ans encore pour qu'Antoine Laurent Lavoisier (1743-1794) découvre le second des grands mécanismes vitaux : celui de la respiration.

La physiologie a bénéficié d'acquisitions importantes dans plusieurs autres domaines : les premières notions modernes sur la fonction de reproduction ont été établies par Lazzaro Spallanzani (1729-1799). René Réaumur (1683-1757) a prouvé que la digestion gastrique est l'effet d'une réaction chimique, tandis que Santorio Santorio (1561-1636) et Giovanni Borelli (1608-1679) faisaient quelques études chiffrées sur les échanges métaboliques qui régissent la nutrition et sur la régulation thermique. La découverte de l'électricité a permis à Luigi Galvani (1737-1798) et à Alessandro Volta (1754-1827) d'aborder les grands principes du fonctionnement neuro-musculaire. Albrecht von Haller (1708-1777) et surtout Xavier Bichat (1771-1802), en qui s'annoncent déjà les biologistes du xixe siècle, ont jeté les bases d'une physiologie générale, encore très imparfaite certes, mais étayée par des mesures quantitatives qui sont le propre des sciences exactes.

Naissance de[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire à la faculté de médecine de Paris, chaire d'histoire de la médecine

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