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MÉDECINE Relation malade-médecin

L'imagerie de la relation malade - médecin

Le corps du patient

La maladie introduit une faille dans l'image que l'individu avait de lui-même. L'image est ternie, elle cesse d'être satisfaisante. C'est au niveau du corps, de l'amour ou de l'intérêt qu'il porte à son corps, que le sujet se trouve blessé. Il ne peut plus se considérer comme le bel objet, ou le bel instrument, source de plaisir pour soi, d'admiration ou d'envie pour autrui.

En fait, ce rôle iconoclaste de la maladie paraît trop évident. On admet trop facilement qu'avant l'irruption de la maladie l'homme était parfaitement satisfait de son corps, ou de l'image de son corps. Les multiples petites déceptions, les échecs discrets, mais répétés, qui sont l'apanage de l'être humain, s'oublient rapidement dans les regrets d'un passé de bonne santé, idéalisé par l'état de maladie. Lorsque les douleurs, la faiblesse, la fièvre empêchent jusqu'à la marche ou la station debout, on ne pense plus qu'on n'était pas toujours le plus adroit au travail, le plus fort aux jeux, le plus beau aux yeux de l'autre sexe. Et, du même coup, se découvre l'ambiguïté de toute relation de l'homme à la maladie. La maladie est une souffrance et une menace. Mais elle est aussi la justification, l'explication rationnelle de toutes les brouilles et les dépits amoureux entre l'homme et son corps. Ce peut êtret là l'une des premières sources de malentendu entre le malade et son médecin.

Pourtant, la maladie, malgré tous ses inconvénients, n'est pas uniquement source de souffrance. Mais cette dimension, qui est celle d'une maladie dont on tire des bénéfices, est le plus souvent refoulée, inconsciente. Néanmoins, toute maladie comporte un relent de ces maladies d'enfance qui libèrent du quotidien ; à condition que l'ambiance du foyer parental soit aimante, comme l'ont bien compris les services hospitaliers qui accueillent les enfants dans une ambiance familiale chaleureuse.

Pour les adultes (et les adolescents) c'est l'appréhension, le doute, l'angoisse qui occupent le premier plan. Soucis légitimes pour l'avenir, peur de la mort. Mais c'est surtout la crainte devant l'inconnu, crainte qui ramène le malade à l'impuissance de l'enfant, à cet état où il ne pouvait survivre que grâce à la protection des autres. Ce phénomène de régression accompagne, à des degrés variables, toutes les maladies. Il détermine l'attitude à l'égard de l'entourage en général et, surtout, il est au fondement des images que le malade se fait de son médecin.

Les visages du médecin

De son enfance, le malade conserve deux catégories d'informations concernant le médecin. Tout d'abord, le médecin est l'homme qui soigne et qui fait des piqûres. Mais cette peur du médecin n'est pas un phénomène simple. L'enfant ne se souvient pas seulement des petites douleurs infligées par des injections, des vaccinations. Ou plutôt, s'il s'en souvient, c'est principalement parce que les parents le lui rappelaient, voire le menaçaient du médecin. Ce qui est maintenu dans le souvenir, sans être forcément reconnu, c'est la propre crainte éprouvée par les parents devant le médecin et ce qu'il représentait pour eux, crainte répercutée sur l'enfant sous forme de menace. L'aspect le plus tolérable pour l'enfant est celui du médecin revêtu d'autorité, en imposant aux parents tout en les conseillant et les rassurant.

Une autre source de souvenirs, d'ailleurs largement influencée par la précédente, est « le jeu du docteur », jeu auquel beaucoup d'enfants se livrent, jeu en partie clandestin, ce qui désigne ses implications sexuelles. Dans ce jeu, l'enfant exploite le droit du médecin de[...]

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Écrit par

  • : président d'honneur de l'Ordre national des médecins, membre de l'Académie nationale de médecine
  • : professeur à la faculté de médecine de Strasbourg, médecin des hôpitaux.

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