MÉDECINE Relation malade-médecin
Le « colloque singulier » : duo ou duel ?
Puisque le progrès technique met à la disposition de la médecine des méthodes de plus en plus complexes, qu'il s'agisse des grandes interventions chirurgicales, comme les transplantations d'organes, des services hautement spécialisés : « rein artificiel », réanimation, grands brûlés, etc. Le malade doit être guidé, autrement dit assumé par son médecin, et celui-ci, s'il veut éviter d'être réduit au rôle de distributeur de médicaments, s'il veut participer à cette médecine moderne, a besoin d'une formation scientifique solide, et tout le temps de ses études est consacré à l'acquérir.
L'obstacle du savoir
Si cette formation est apparemment satisfaisante pour les médecins appelés à exercer dans des services de haute technicité, elle ne correspond pas à ce que les malades attendent d'un praticien de médecine générale. Une partie seulement de ces malades relèvent de la pathologie enseignée en faculté. Cette partie est variable selon les clientèles, mais il est rare qu'elle atteigne 50 p. 100. Ce qui fait que rien n'a préparé le médecin à s'occuper de la bonne moitié de ses clients ! Cette lacune est à la base de bien des déboires.
Ce n'est pas seulement pour des motifs que le médecin se cantonne le plus souvent dans cette médecine objective. Il sait qu'en quittant le domaine rassurant du savoir il s'expose à tous les inconnus, à toutes les questions. Notamment celles qui le concernent. On a vu que le malade développait au sujet du médecin et de la maladie toute une fantasmagorie dont les racines sont inconscientes. Mais l'inconscient n'est pas l'apanage du malade. Le médecin lui aussi, comme tout être humain, est mû par des aspirations ou des désirs, qu'il méconnaît souvent et dont il ignore la source. Cet inconscient du médecin est à l'œuvre notamment dans le choix de la profession. Qu'il s'agisse de l'intérêt scientifique, du dévouement aux malades, de la recherche d'une situation sociale enviable ou d'une mythique protection contre la mort, ces tendances ne pourront jamais s'expliquer de façon simple. On ne peut se contenter d'un « c'est naturel », ou d'un « c'est normal ».
Seule une investigation approfondie peut mettre en lumière les déterminants d'une vocation, et ces sources concernent le sujet au plus intime de lui-même, au lieu où sont enterrés, sans toujours être morts, les souvenirs, les regrets et les désirs d'enfant. Or, toute rencontre avec autrui peut éveiller l'un ou l'autre de ces fantômes endormis. Le médecin court le risque de s'identifier à son interlocuteur à l'évocation de tel ou tel détail de sa biographie. Et cette identification au malade, un seul trait commun suffisant pour qu'elle jaillisse, est particulièrement pénible car elle amène le médecin à se reconnaître dans un homme souffrant, infirme, menacé. On comprend dès lors le souci de toute la médecine classique de se protéger contre cette image de soi que pourrait offrir le malade, et de le tenir à distance derrière des écrans, écrans radiologiques, écran du savoir, etc., qui en font un objet d'étude différent du médecin, un objet de science, qu'on aborde au microscope ou au scalpel, et non un sujet semblable à soi.
Les ambiguïtés du dialogue
L'hétérogénéité entre malades et médecins, postulat non formulé de la médecine scientifique, de la grande médecine dit-on parfois, est la principale responsable des malentendus engendrés dans la rencontre malade-médecin. Le médecin croit, et bon nombre seront choqués qu'on utilise ici le terme « croire » au lieu de « savoir », que le malade le consulte parce qu'il veut guérir d'une maladie. Or, très souvent, ce que demande le malade, c'est d'être soulagé d'une souffrance.[...]
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Écrit par
- Bernard GLORION : président d'honneur de l'Ordre national des médecins, membre de l'Académie nationale de médecine
- Lucien ISRAËL : professeur à la faculté de médecine de Strasbourg, médecin des hôpitaux.
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