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MEDEF (Mouvement des entreprises de France), ex-CNPF

Un groupe de pression

L'initiative de « refondation sociale », initiée en 1999 par Ernest-Antoine Seillière et son bras droit Denis Kessler, va concrétiser le nouveau cours de l'organisation patronale : la négociation interprofessionnelle au sommet est certes relancée, mais elle n'est que le véhicule permettant de décentraliser la négociation vers la branche et surtout vers les acteurs de l'entreprise. Sous couvert de défendre « l'autonomie contractuelle » contre l'emprise de la réglementation étatique, discours auquel certaines organisations syndicales sont toujours sensibles, l'initiative patronale vise à assouplir les normes régissant les relations de travail, en décentralisant la production des normes mais surtout en donnant davantage de capacité aux acteurs de l'entreprise de déroger aux normes de niveau supérieur.

Par ailleurs, la « refondation sociale » fait l'objet d'une mise en scène médiatique qui place le Medef et son « projet de société » au centre du débat public et qui fait apparaître l'organisation comme le « parti de l'entreprise » et le héraut de la réforme néo-libérale radicale. Ce positionnement n'est pas sans risques pour le Medef, désormais davantage exposé aux incertitudes du contexte politique, ni pour la démocratie sociale dans son ensemble, car il tend à renforcer symétriquement les options étatistes des opposants au modèle libéral défendu par le patronat. Il n'est pas non plus dénué d'ambiguïtés : reprenant à son compte la posture favorite du syndicalisme, en l'inversant simplement, le patronat n'est jamais tant favorable à l'autonomie contractuelle que lorsque la gauche est au pouvoir, et jamais aussi peu réticent face à l'intervention du législateur que lorsque la majorité penche à droite (les « aménagements » apportés aux trente-cinq heures depuis 2001 en témoignent).

Reste enfin une incertitude majeure, qui tient au paradoxe suivant : dans le « modèle social » que le Medef appelle de ses vœux, où l'entreprise serait à la fois l'unité pertinente de la négociation collective et l'entité de base de la gestion des risques sociaux, la raison d'être et la viabilité d'associations patronales aussi « englobantes » qu'une fédération professionnelle, a fortiori qu'un appareil confédéral, sont tout sauf assurées. Il n'est donc pas certain que la logique ayant présidé à la création du Medef puisse perdurer sans mettre en danger les intérêts propres de l'organisation, à moins que des accommodements soient recherchés. On observera d'ailleurs que si le patronat s'est désengagé un temps des instances paritaires de la protection sociale, jugées emblématiques de cette « légitimité artificielle » avec laquelle le Medef se proposait de rompre, il est demeuré très présent et très actif dans le champ de la gestion paritaire de la formation professionnelle. Sans doute ce paritarisme-là, plus proche des préoccupations des entreprises, apporte-t-il une légitimité plus authentique au syndicalisme patronal. Mais, à coup sûr, il permet d'adosser les structures de représentation à un ensemble de ressources institutionnelles autrement plus solides et stables que celles qu'elles peuvent escompter dans des fonctions d'influence et de « magistrature morale ».

— Olivier MÉRIAUX

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Écrit par

  • : docteur en science politique, chargé de recherche à la Fondation nationale des sciences politiques (U.M.R. Pacte, Institut d'études politiques, Grenoble)

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