MÉDIAS
Le pouvoir de l'information
Cette abondance médiatique aurait pu constituer un facteur de démocratisation en permettant la transparence et l'accès de tous à l'information. Mais les biais inhérents à sa fabrication (mise en récit, personnalisation, dramatisation, spectacularisation...) rendent plutôt sceptique. Malgré les discours que tiennent les journalistes, la professionnalisation et l'autonomisation de leur métier restent floues et relatives. Certes, le temps où les sujets du journal télévisé étaient directement inspirés par le ministre de l'Information est révolu. Mais les journalistes, même s'ils ont des moyens de défense, demeurent dans une situation de dépendance structurelle à l'égard de leurs sources. En effet, les acteurs politiques et économiques ont vite compris le bénéfice qu'ils pouvaient tirer de la médiatisation. Ils essaient de peser sur la construction de l'agenda médiatique afin d'en influencer le contenu et servir ainsi leurs intérêts. Autrement dit, ils tentent de faire véhiculer leur communication par l'information réputée objective des médias afin de la rendre plus efficace. C'est ce que les Anglo-Saxons nomment le news management et le spin control.
L'actualité est donc le résultat final d'une co-production caractérisée à la fois par de la coopération et du conflit entre les journalistes et leurs sources. Hommes politiques, grandes entreprises ou groupes d'intérêt, tous ces acteurs utilisent les médias à des fins stratégiques. Le cas de la guerre d'Irak (2003) illustre particulièrement bien la gestion de l'information par l'administration américaine. Celle-ci instrumentalise les médias pour faire croire en la présence en Irak d'armes de destruction massive (en réalité inexistantes) afin de susciter le soutien de son opinion publique à l'intervention militaire.
La question la plus sensible est donc celle de l'effectivité des mécanismes persuasifs de l'information. La recherche scientifique a nettement progressé dans ce domaine et a identifié quatre effets souvent cumulatifs. La persuasion directe prend en compte l'intensité des messages, leur homogénéité, et la capacité des récepteurs à y résister. Plus un flux d'information est intense et homogène (c'est-à-dire qu'il n'est pas en concurrence avec des messages contradictoires), plus son impact est fort, particulièrement sur les individus exposés peu cultivés. L'effet d'agenda consiste dans la focalisation de l'attention du public sur un objet fortement médiatisé. L'effet de cadrage concerne la configuration donnée par l'information à cet objet, c'est-à-dire la manière de le présenter, ce qui favorise une interprétation au détriment d'une autre, voire des imputations de responsabilités. Enfin, avec l'effet d'amorçage, les événements sur lesquels l'information insiste deviennent pour certains individus des critères d'évaluation pour se forger une opinion (c'est, par exemple, le rôle que joue le thème de l'insécurité au cours de la campagne présidentielle française de 2002).
Moteur de la persuasion, l'information diffusée par les médias, omniprésents dans les sociétés contemporaines, est donc l'objet d'une compétition entre les acteurs soucieux d'influencer l'opinion publique. Ainsi, comme le souligne David Apter, « dans une large mesure, la démocratie tourne autour de la question de savoir comment créer, traiter et transformer l'information ».
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Écrit par
- Christophe PIAR : doctorant en science politique, D.E.S.S. de communication politique et sociale, université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
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