MÉDITATION
La méditation est une réflexion prolongée, guidée et soutenue par une méthode. Elle peut être savante ou philosophique, religieuse ou profane, d'expression littéraire ou spontanée. Elle porte sur n'importe quel objet de pensée, pourvu que l'esprit s'y applique avec soin, avec constance ; il y faut un effort psychologique (recueillement) et un effort logique d'ordre et d'analyse (ce qui la distingue de l'association libre ou de la rêverie). Dans l'histoire des idées, la méditation a suscité, avec Descartes, Malebranche, Maine de Biran, des philosophies en première personne, où la singularité d'un itinéraire spirituel et la rigueur d'une suite de raisons coïncident. Dans le domaine religieux, elle s'est greffée sur la contemplation pour ajouter à l'intuitionmystique des actes discursifs qui dirigent l'attention sur des points de doctrine ou des préceptes de conduite. La plupart des religions ont encouragé sa pratique. Certaines d'entre elles ont même fourni des directives à cet effet. Pour sa part, le catholicisme appelle oraison une méditation qui fait alterner considérations réfléchies et prières. Diverses écoles de spiritualité ont codifié l'oraison : Saint-Sulpice, l'Oratoire, Ignace de Loyola (qui, dans ses Exercices spirituels, règle une ascétique de la pensée méditante en même temps qu'il cultive une mystique du choix, de l'engagement volontaire). Narcissime et moralisme sont souvent reprochés à certains styles de méditation. Les religions les moins centrées sur la psychologie du sujet recommandent plutôt la contemplation désintéressée et l'oubli de soi.
Si l'on veut mesurer l'écart qui subsiste entre une méditation où prédominent représentations distinctes, discours intérieur, réflexion articulée, et une méditation de repli silencieux, de paix unificatrice, d'indivision des facultés, il suffit de penser soit à l'hésychasme de l'ascèse orthodoxe, qui exténue l'émoi de conscience par la dépossession du cœur, soit au dhyâna bouddhique ou hindou, qui supprime toute adhérence, qu'elle soit de désir, d'intellection, de satisfaction, et qui parvient au détachement total (même dans un corps toujours conscient de ses attaches), soit enfin aux techniques du yoga : le contrôle du souffle et la concentration intime aboutissent au vide mental, aux surperceptions, à l'intuition de l'un, ou, plus simplement, à l'exonération de toutes les tendances, même dans le besoin apparent ; l'état d'identification (samâdhi) laisse agir le corps en automate, tandis que l'esprit est ailleurs, absorbé et ramassé en un point fixe.
C'est cependant par fausse équivalence que les Occidentaux assimilent à la méditation les exercices d'éradication de soi que l'Orient prescrit à l'individualité psychosomatique (dont les limitations sont illusoires, illusionnantes). Bien que le latin meditor (également le grec meletáô) puisse désigner n'importe quel entraînement, n'importe quelle application, l'activité méditante implique dans les traditions d'Occident un élément de rationalité, une mise en forme de la pensée, qui peut être éventuellement une étape vers la contemplation pure (sans repères, ni sensible, ni intellectuel) ou vers l'extase mystique, mais qui ne peut se confondre avec aucun procédé de déliaison, d'indifférenciation, d'effacement des divers registres de l'affectivité et de la réflexion conscientes.
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Écrit par
- Henry DUMÉRY : professeur de philosophie à l'université de Paris-X-Nanterre
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