MÉDITATIONS MÉTAPHYSIQUES, René Descartes Fiche de lecture
Les Méditations métaphysiques (Meditationes de prima philosophia, 1641) sont la première œuvre proprement philosophique de Descartes (1596-1650), et d'ailleurs le premier ouvrage publié sous son nom. Alors que le Discours de la méthode (1637) garde un caractère de circonstance, ne se voulant que le préliminaire à des essais scientifiques, et que les Principes de la philosophie (1644) offrent un exposé délibérément scolaire de vérités déjà démontrées, les Méditations exigent de leur lecteur qu'il participe à une expérience de pensée, refaisant pour son propre compte le chemin de la découverte. Cette expérience est relatée à la première personne, dans un latin parfaitement maîtrisé : Descartes a prévenu qu'une telle lecture « demande des mois et des semaines » et la réserve cette fois à un public averti. Une traduction française, revue par lui, suivra dès 1647, par le duc de Luynes pour les Méditations et par Clerselier pour les Objections.
Un exposé de la « philosophie première »
Ce qui dans le Discours apparaissait comme la démarche d'un individu particulier (dont le premier chapitre esquissait brièvement la vie et la formation intellectuelle) prend ici valeur universelle. Le je impersonnel s'engage dès la Méditation première dans l'épreuve du doute. Comment me convaincre que je ne suis pas le jouet d'un « mauvais génie, non moins rusé et trompeur que puissant », qui entretiendrait mes sens dans l'illusion d'une réalité ? Or, dans ce cas même (Méditation seconde : De la nature de l'esprit humain, et qu'il est plus aisé à connaître que le corps), « je suis », puisque je doute. « Mais qu'est-ce donc que je suis ? Une chose qui pense. » L'expérience que j'ai des corps (décrite ici à travers l'exemple du morceau de cire) est en dernière analyse expérience de l'entendement, non de la sensation ni de l'imagination. Ne possédant encore que cette unique certitude, j'inspecte mes idées pour m'arrêter à celles qui me persuadent, ainsi de l'idée d'infini, dont un examen attentif montre qu'elle ne peut « tirer son origine de moi seul » ; partant du moi fini, je découvre alors (Méditation troisième : De Dieu ; qu'il existe) l'antériorité nécessaire d'un infini réel.
La Méditation quatrième : Du vrai et du faux revient à la question de départ : si Dieu existe (être parfait), l'hypothèse du malin génie tombe d'elle-même. Dès lors, l'erreur ne peut dépendre que d'un « défaut » de l'homme, car si mon entendement est borné, ma volonté (la liberté, « marque de l'ouvrier », ce par quoi la créature ressemble au créateur) est sans limite ; l'erreur se comprend comme exercice infondé en raison de ma liberté de juger. Ainsi plus au clair sur ma capacité de connaître, je peux reprendre les acquis précédents (j'existe ; Dieu existe) et progresser dans la déduction « de l'essence des choses matérielles » (Méditation cinquième, qui est aussi l'occasion de formuler une nouvelle preuve de l'existence de Dieu : l'argument ontologique) puis de leur « existence » (Méditation sixième). Cette dernière repose sur la distinction, essentielle au cartésianisme, de l'âme et du corps – distinction qui dans le cas de l'homme (donc d'une éventuelle science de l'homme : la médecine, mais aussi la morale) pose le redoutable problème de l'unité dans l'individu de ce qui est réellement distingué comme substance (substance pensante et substance étendue). Le dualisme est ainsi le grand problème légué à la génération suivante, celle de Leibniz, Spinoza, Malebranche.
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Écrit par
- François TRÉMOLIÈRES : professeur de littérature française du XVIIe siècle, université Rennes-2
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